Cherry-Brandy
Choregraphy
Josef Nadj
Performers
Johan Bichot, Ivan Fatjo, Grégory Feurté, Eric Fessenmeyer, Peter Gemza, Anastasia Hvan, Panagiota Kallimani, Anne-Sophie Lancelin, Lazare, Cécile Loyer, Josef Nadj, Emanuela Nelli, Marlène Rostaing
Original music
Alain Mahé
Piano recording and toy piano
Emmanuelle Tat
Lights
Rémi Nicolas
assisted by Lionel Colet
Costumes
Françoise Yapo
Mask and prop design
Jacqueline Bosson
Set and props
Clément Dirat, Julien Fleureau
Coproduction
Centre Chorégraphique National d’Orléans – Festival International de Théâtre Tchekhov à Moscou (Russie) – Théâtre de la Ville – Paris (France).
Supports
Région Centre, Centre Culturel Français de Moscou, Mairie de Moscou, Ministère de la Culture russe, Institut français, Scène Nationale d’Orléans
Creation
Festival International de Théâtre Anton Tchekhov – Moscou (Russie), july 2010
Duration
88 min
Several writers and several literary works have nourished Cherry-Brandy – starting with Anton Chekhov and his Swan Song, a “dramatic study in one act”, as well as the account he wrote in 1893 on the living conditions of deportees in The Island of Sakhalin – but also Varlam Shalamov, Petrarch and Paul Celan. Nevertheless, the central figure of this creation is the poet Ossip Mandelstam (1891-1938), who was also a translator and essayist. Author of Tristia, The Din of Time, the marvellous Conversation about Dante and Voronezh Notebooks, he considered words as inseparable from the body, the voice and gesture. And he attributed to them a concrete and active power. He was also, for this reason itself, a man committed to his time. His politically-influenced works – and in particular his Stalin Epigram, veritable accusation against the “Montagnard of the Kremlin” – were the cause of his tragic destiny: victim of the Stalinist purges, he died of exhaustion, spent from long months of humiliation and privation during his transfer to the Gulag.
Shalamov explicitly dedicated one of his Kolyma Tales to Ossip Mandelstam. Under the title “Cherry-Brandy”, he describes a dying poet, a dying man who remains a poet to his last breath. The ideal example of the “absolute and uncompromising poet”, in the eyes of Josef Nadj. In other words, an artist dedicated to his art, everywhere and forever.
With his Cherry-Brandy, an austere and sombre piece where the protagonists seem immersed in a “hypnotic slumber”, Nadj in turn pays tribute to Mandelstam – notably in giving voice to several of his poems. But above all, even while Nadj revisits the question of time that has run through all his works from Comedia Tempio (1990) to Sho-bo-gen-zo (2008), this time the choreographer does so from a political perspective, bringing to the stage the conflict between light and darkness, signing his name to a parable concerning the role and the responsibility of the artist confronting his own time and vis-à-vis his contemporaries…
Myriam Bloedé, translated into English by David Vaughn
History :
9 octobre 2011
Festival de Budapest
Budapest (HUN)
4 octobre 2011
Le Grand T
Nantes (FR)
6-9 janvier 2011
Onassis Cultural Centre
Athènes (GR)
10 décembre 2010
Stadsschouwburg
Bruges (BE)
26-31 octobre 2012
Théâtre de la Ville
Paris (FR)
13-15 octobre 2012
Scène Nationale d’Orléans
Orléans (FR)
11-13 juillet 2010
Festival international de Théâtre A. Tchekhov, Music Hall
St Petersbourg (RU)
5-7 juillet 2010
Festival international de Théâtre A. Tchekhov, Atelier Fomenko
Moscou (RU)
Les Corbeaux
Choregraphy & performance
Josef Nadj
Music live
Akosh Szelevényi
Lights
Rémi Nicolas
and Christian Scheltens
Sound engineer
Jean-Philippe Dupont
Scenography & accessories
Clément Dirat, Julien Fleureau, Alexandre De Monte
Coproduction
Théâtre Forum Meyrin – Suisse
Supports
Scène nationale d’Orléans, Ville d’Orléans
Creation
Théâtre Forum Meyrin – Suisse, 20th march 2010
The first stage of Corbeaux was presented on June 11th, 2008, at the Théâtre des Bouffes du Nord in Paris, commissioned by the Festival Jazz Nomades / La Voix est Libre.. First performances of the long version took place on March 20th and 21st, 2010 at Théâtre Forum Meyrin, Switzerland.
Duration
60 min
The small stage forms Josef Nadj launched in Spring 2008 all follow in the wake of Entracte (March 2008), each in their own way renewing and accentuating one of its central themes, if not its central theme: joining music and dance together in the closest possible relationship, conducting them to a point of complete balance, rendering indiscernible the respective part each played in the genesis of that which then becomes a feat, a performance.
And to deepen this exploration, free improvisation here takes on its fullest expression – with all that presupposes of uniqueness and instantaneousness, of the unpredictable and unrepeatable. And also all it requires from each protagonist in the way of attentiveness and availability, openness to the other, to otherness, and to the present moment.
With Les Corbeaux, Josef Nadj and Akosh Szelevényi, saxophonist and multi-instrumentalist, continue their conversation, turning once again to the Nature of their natal region. As the title suggests, this performance piece is nourished by the patient meticulous scrutiny and observation of crows, in particular the fleeting instant when they touch ground, when the transition between flight and walk transpires. A third partner is invited to join this dance-music dialogue, expressing itself, “reacting freely”, giving voice to its silence: a black painting, liquid sheen, that across the thread of the musical and choreographic gestures, leaves its trace, bearing witness or capturing footprints of the passage of crows. And so, by way of the danced movement Nadj abandons himself to, movement which progressively engages his hand, face, arm and then his entire body over the course of this improvisation – the state Nadj seeks to achieve is preparation for the pictorial gesture. His “becoming bird ”merges with his “becoming a brush”.
Myriam Bloedé
Il y a quatre ans, Josef Nadj, artiste associé au Festival, avait offert, en compagnie du plasticien Miquel Barceló, un duo mémorable baptisé Paso Doble, une heure d’art et de travail dans la glaise. Quatre ans plus tard, c’est aussi en duo qu’il revient à Avignon, partageant la scène de la salle Benoît-XII avec son vieux complice, le musicien Akosh Szelevényi, avec qui il a créé un festival de jazz.
Apesanteur. De Paso Doble, on retrouve des citations dans les Corbeaux, titre de ce nouvel opus. Ainsi vers la fin, cette image du danseur immergé dans une jarre remplie d’un liquide noirâtre, plus proche du goudron que de l’argile. Nadj en ressort, telle une statue ruisselante, et laisse sur le sol, où il se roule ensuite, l’empreinte de son bain. Le reste de la représentation est moins salissant. Autant Paso Doble était un spectacle terrien, avec pour matières premières l’argile chère à Barceló et le corps du danseur comme masse à pétrir, autant les Corbeaux lorgnent vers le ciel et l’apesanteur, ne laissant comme traces au bout des doigts que les taches d’encre coulant de la plume de roseau. Les roseaux, Nadj les choisit lui-même, dans les marécages autour de son village de Kanjiza, en Voïvodine (Serbie), près de la frontière hongroise. Et autant Paso Doble évoquait d’abord Majorque, terre natale de Barceló, autant les Corbeaux ramènent à l’immense pays plat où Nadj est né et où il revient toujours. Un monde à l’horizontale, ciel et terre confondus, où tout arbre et toute silhouette font signe. Une monotonie sans fin qui pousse à l’évasion.
Avant de danser, Nadj a peint et dessiné, et n’a jamais cessé. Adepte de la plume et de l’encre de Chine, il a toujours identifié chorégraphie et calligraphie. Au début du spectacle, debout derrière un écran translucide d’où seuls ses pieds dépassent, il trace sur le papier des traits verticaux qui s’arrondissent, épis noirs dans le vent ou plumages. Les corbeaux du titre ne sont nulle part, c’est-à-dire partout, et d’abord dans le corps du danseur, tout d’envol lourd et d’équilibre calme. Le corbeau de Nadj n’est pas un oiseau de malheur mais un observateur attentif aux bruits du soir.
Harmonie. La musique d’Akosh S. crisse, bourdonne, murmure, ruisselle. Musique de marécages et de roseaux, de nuit d’été à contempler le ciel, elle peut aussi se calfeutrer dans la maison quand le vent souffle, les fenêtres grincent et que tout semble interminable. On peut voir les Corbeaux comme le nouvel épisode d’un retour au pays où le chorégraphe vient picorer dans sa réserve d’images et de gestes. Pas de territoire à conquérir mais sur l’ouvrage, une nouvelle fois, une pièce où tout est affaire d’harmonie et de correspondances : peinture et musique, corps et matière se répondent, sans esprit de surenchère - les fantômes qui peuplent l’atelier de Josef Nadj ont l’apparition civilisée.
René Solis - Libération 20 juillet 2010
D’où est venue l’idée de ce spectacle ?
Lors d’une tournée, il y a quelques années, je répétais tout seul sur le toit du Théâtre de Tokyo, entouré de grandes baies vitrées, quand un corbeau, non loin de moi, juste de l’autre côté de la vitre, s’est posé et a fait quelques pas. Ce mouvement conjoint et tournant – moi dansant et saisissant, dans un regard, l’oiseau qui atterrissait – a créé dans mon esprit une sorte de communion, une fusion entre l’homme et l’animal, une harmonie des gestes et des attitudes. Ce moment m’a beaucoup intrigué : comment le hasard de cette rencontre a-t-il construit ces mouvements parallèles ? Telle une illumination entêtante, cette vision est revenue souvent dans ma mémoire. J’ai voulu la fixer et la visualiser pour la revivre en la dessinant, et aujourd’hui en la dansant.
Pour vous, le corbeau est depuis longtemps un oiseau familier ?
Chez moi, en Voïvodine, les corbeaux ont une grande importance : ils symbolisent la sagesse, la liaison entre la surface du monde et celui du mystère qui nous entoure, largement invisible. On représente souvent le corbeau avec un anneau sur le bec, parce qu’il possède la clé de l’unité du monde : il a un regard sur le cycle de la mort et de la vie, du réel et du rêve, du mystère et de son interprétation. En France, le corbeau, c’est l’animal vaniteux de la fable de La Fontaine ; dans les pays de langue anglaise, c’est l’aspect diabolique qu’on retient surtout, d’après les poèmes de Poe… En somme, un animal à mauvaise réputation, au croassement lugubre. Ce n’est évidemment pas mon image. Mon corbeau est plus proche, plus humain. Il est lié à l’initiation, au savoir. C’est une figure de sphinx, ce qui n’empêche ni le mystère, ni le secret, ni l’inquiétude.
Avez-vous cherché à vous rapprocher du corbeau ?
Tout à fait, par les dessins préparatoires, par l’observation précise, par l’imitation attentive du mouvement, du vol, de l’atterrissage, de sa démarche au sol. Je me suis approché au maximum du corbeau et j’ai découvert en moi une proximité très forte avec cet oiseau particulier. Il a fallu ensuite mettre cela sur le plateau : passer du dessin de l’oiseau ou du corps humain au spectacle proprement dit. Comme une sorte de performance, j’ai dansé mes observations picturales, j’ai chorégraphié mes heures de proximité avec lui, toute cette préparation.
Comment devenir un corbeau ?
J’avais procédé d’une manière assez similaire pour Les Philosophes, en partant de dessins à l’encre de Chine pour aller vers l’abstraction, la philosophie. Cependant, à partir d’un certain moment, une fois le parcours entrevu et construit avec les dessins, j’ai compris qu’il fallait que je partage l’espace musical avec Akosh Szelevényi.
Vous avez donc imaginé un duo avec lui…
Sa vision du monde est proche de la mienne, nous partageons une même terre, une même culture. Nous avons décidé d’être tous les deux sur scène, en duo, d’être les corbeaux du spectacle. Nous avons beaucoup travaillé ensemble, réalisant une série de performances improvisées autour des corbeaux, partant de mes dessins, mais surtout de leurs mouvements, de leurs cris, de la terre où ils se posent, des arbres depuis lesquels ils s’envolent. C’est à la fois précis, écrit, annoté et très ouvert : les variations improvisées trouvent toute leur raison d’exister.
À un moment, j’ai senti qu’il fallait que j’aille au-delà de moi, de mon corps : je deviens corbeau, je deviens pinceau, je dessine avec mon corps. On peut voir cela comme un envol nécessaire, lors duquel j’évolue vers le stade animal. C’est aussi l’acte pictural définitif, quand le corps humain se fait le sujet et l’instrument même de l’art.
Existe-t-il un lien avec Paso Doble, créé en 2006 avec Miquel Barceló, où votre corps, là aussi, devenait matière et objet d’art ?
Dans Paso Doble, je pénétrais dans l’univers visuel et la matière de la création propre à Miquel Barceló, l’argile de ses sculptures. Je devenais sa sculpture. Dans Les Corbeaux, ce sont mes dessins, c’est mon noir, c’est mon animal. Je prends davantage cela comme un retour à mes origines de dessinateur, un geste pictural qui m’est propre. Comme si je me métamorphosais en mon pinceau, en l’une de mes miniatures à l’encre de Chine. Je suis l’animal, mais également la matière picturale. La peinture semble prendre de plus en plus de place dans votre travail. Ce spectacle me projette dans le futur de mon travail, du moins tel que je l’espère : sculpter le son, les lumières, les couleurs. Je souhaite de plus en plus équilibrer, et même fusionner, mes travaux visuels et mon expérience chorégraphique. Les prochains spectacles iront plus loin encore dans cette direction : mettre sur le même plateau une exposition, une installation, une performance, une chorégraphie, des documents filmiques, sonores, visuels, mon travail pictural, les monochromes noirs que je dessine par exemple. Ce qui était encore éclaté à Avignon en 2006 devrait bientôt apparaître en un seul lieu, comme si un atelier, tout à la fois concret et imaginaire, pouvait prendre place sur le plateau, comme si la scène devenait cet atelier où l’on danse, vit, peint, compose, parle, dans le même mouvement. Les Corbeaux représentent pour moi un chapitre de ce grand atelier-là.
Propos recueillis par Antoine de Baecque
History :
15-16 mars 2016
Pôle Sud
Strasbourg (FR)
31 mars 2015
La Rive Gauche
Saint-Étienne-de-Rouvray (FR)
16 mai 2014
Centre chorégraphique national d’Orléans
Orléans (FR)
10-14 décembre 2013
Le Grand Bleu
Lille (FR)
29 novembre 2013
ACB Scène nationale
Bar-le-Duc (FR)
18-19 septembre 2013
Trafó House of Contemporary Arts
Budapest (HU)
3-4 septembre 2013
Künstlerhaus Mousonturm
Francfort (DE)
6-7 juin 2013
Zagreb Dance Center
Zagreb (HR)
2 avril 2013
17e Biennale de danse du Val-de-Marne
Champigny-sur-Marne (FR)
30-31 janvier 2013
Centre Culturel Jean Gagnant
Limoges (FR)
29 novembre 2012
Interferences International Theatre Festival
Cluj (RO)
2 juillet 2012
Infant Festival
Novi Sad (SRB)
16 juin 2012
Nouvel Olympia
Tours (FR)
2 juin 2012
Espace 1789
Saint-Ouen (FR)
29-30 mai 2012
Festival Perspectives
Sarrebruck (FR)
9-10 mars 2012
Setagaya Arts Foundation
Fujimi (JPN)
3-4 mars 2012
Setagaya Arts Foundation
Kanazawa (JPN)
25-26 février 2012
Setagaya Arts Foundation
Itami (JPN)
21-22 février 2012
Setagaya Arts Foundation
Nagoya (JPN)
15-17 février 2012
Setagaya Arts Foundation
Tokyo (JPN)
3 février 2012
Pessac en Scène
Pessac (FR)
30-31 janvier 2012
Festival Arst Danse
Dijon (FR)
28 janvier 2012
L’Hectar, Scène conventionnée de Vendôme
Vendôme (FR)
7 novembre 2011
D’Jazz Nevers
Nevers (FR)
18-20 octobre 2011
Le Quartz, Scène nationale de Brest
Brest (FR)
7-8 septembre 2011
Festival PerformDance
Alessano (IT)
3 septembre 2011
Oriente Occidente
Rovereto (IT)
28 août 2011
Bunker
Ljubljana (SL)
13 juillet 2011
Teatro municipal de Almada
Lisbonne (PT)
18-19 mai 2011
Teatro Nacional de São João
Porto (PT)
16 mai 2011
Teatro Circo
Braga (PT)
13 mai 2011
Teatro De Vila Real
Vila Real (PT)
11 mai 2011
Centro Cultural Vila Flor
Guimares (PT)
17 février 2011
Théâtre en Dracénie
Draguignan (FR)
11 février 2011
Espace Jeliote
Oloron Sainte-Marie (FR)
29 janvier 2011
La feme de Bel Ebat
Guyancourt (FR)
24-25 janvier 2011
International Mime Festival
Londres (UK)
14-15 janvier 2011
L’Espal
Le Mans (FR)
2 décembre 2010
Magdalena
Bruges (BE)
24 novembre 2010
Grand Théâtre de Luxembourg
Luxembourg (LU)
18 novembre 2010
Théâtre de Chartres
Chartres (FR)
8-9 octobre 2010
Théâtre national
Perm (RU)
18-26 juillet 2010
Salle Benoît XII, Festival d’Avignon
Avignon (FR)
20-21 mars 2010
Théâtre Forum Meyrin
Meyrin (CH)
3 décembre 2009
Le Petit Faucheux
Tours (FR)
3 septembre 2009
Jazz à la Villette
Paris (FR)
26-27 février 2009
Scène Nationale d’Orléans
Orléans (FR)
11 juin 2008
Théâtre des Bouffes du Nord
Paris (FR)
Les Corbeaux
Les Corbeaux, a series of drawings begun during summer 2008 – lead pencil paintings, mineral, vegetable and animal shadows – help us better grasp Josef Nadj’s pictorial world and his inspiration.
“Early morning, in the misty state separating sleep from awakening, Josef Nadj observed crows, following their movement, seizing in his drawing the magic of the smallest instants, those we all know; but allow to pass by. Josef Nadj fixes these blurred moments into concrete lines. He stops drawing as soon as he starts analysing. It’s true one doesn’t see crows on any single sheet of paper. But what one does see very clearly is their bright and flitting plumage, their arrival on a branch that then vibrates under their weight, their piercing cries amidst their aerial dance an the sombre and exhilarating emotion occupying the observer’s subconscious”.
Stephanie Möller
Past exhibitions :
25 mars – 29 mai 2018
Galerie Camera Obscura
Paris (FR)
25 novembre-11 décembre 2015
Centre chorégraphique National d’Orléans
Orléans (FR)
17-31 mars 2015
Rive Gauche
Saint Étienne du Rouvray (FR)
28 juillet-2 août 2014
L’Odyssée
Périgueux (FR)
15-18 mai 2014
L’Antre-Loup
Pithiviers-le-Viel (FR)
10 octobre-30 novembre 2014
ACB
Bar-le-Duc (FR)
14 janvier-15 février 2013
Centre culturel Jean-Gagnant + Théâtre de l’Union
Limoges (FR)
5-31 janvier 2012
Consortium Centre d’art contemporain
Dijon (FR)
5-12 novembre 2011
Festival D’Jazz Nevers
Nevers (FR)
8-27 juillet 2010
Maison des Vins
Festival d’Avignon (FR)
Sho-bo-gen-zo
Choregraphy & scenography
Josef Nadj
Performers
Josef Nadj et Cécile Loyer
Musical composition
Joëlle Léandre (doublebass)
Akosh Szelevényi (saxophonist and poly-instrumentist)
Lights
Rémi Nicolas
Masks
Jacqueline Bosson
Costumes
Aleksandra Pesic, Françoise Yapo
Set
Julien Fleureau
Production
Régional Creative Atelier Jozef Nadj, Kanjiza
Coproduction
Jugokoncert-Beograd, Pecs 2010 ECC, Centre Chorégraphique National d’Orléans, Théâtre de la Bastille – Paris
Supports
Conseil Régional d’île-de-France
Creation
Kanjiza (Serbie), 11st september 2008
Duration
55 min
A ‘quartet’ for two dancer-choreographers and two musician-improvisers, Sho-bo-gen-zo opens with the apparition of a Samurai in armour and an onnagata curiously interpreted by a woman1 – in other words, an almost excessive image of a bygone Japan… which in fact has little relationship with any Japanese reality. Here it is a question of a dreamed Japan, an elsewhere, a faraway land whose extreme strangeness will be precisely the means to return to our present, here and now. In itself, the piece’s title – which in Japanese means ‘The True Law, Treasure of the Eye’ – already orients us in the direction of this ‘elsewhere’, by assuming the name of Master Dogan’s major work, Shobogenzo, which founded the Soto school of Zen in thirteenth century Japan. Struck by the contemporary relevance and depth of Dogan’s teachings, Josef Nadj has focused his attention on Dogan’s life and works, in particular on his quite singular conception of Time and of presence. This exploration of time, the subject of several texts in Shobogenzo, crosses the entire work and expresses itself in metaphors of profound poetic power.
With Cécile Loyer, Joëlle Léandre and Akosh Szelevényi, Nadj has found his inspiration there, creating ‘his own’ Sho-bo-gen-zo – a meditative work, structured into tableaux that are as many variations on the question of Time.
Myriam Bloedé, translated into English by David Vaughn
History :
30 novembre 2013
Festival Neuf 9 Salle Allegora
Auterive (FR)
12 novembre 2013
Biennale de danse en Lorraine, Théâtre Gerard Philippe Scène conventionné
Frouard (FR)
8 novembre 2013
Biennale de danse en Lorraine, La Merideienne Scène conventionnée
Lunéville (FR)
5 novembre 2013
Biennale de danse en Lorraine, Le Carreau Scène nationale de Forbach
Forbach (FR)
19-21 juin 2013
Festival international de théâtre A. Tchekhov
Moscou (RU)
9 décembre 2011
Théâtre de Cahors
Cahors (FR)
9-10 novembre 2011
Festival EuroScene
Leipzig (DE)
14 avril 2011
Théâtre Sept Collines
Tulles (FR)
17 mars 2011
Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines
Saint-Quentin-en-Yvelines (FR)
1-4 janvier 2011
Pôle Sud
Strasbourg (FR)
16-18 mars 2010
Pôle Sud, Scène Nationale d’Orléans
Orléans (FR)
18-28 janvier 2010
Théâtre de la Bastille
Paris (FR)
11 septembre 2008
Regional Creative Atelier
Kanjiza (SE)
Entracte
Choregraphy
Josef Nadj
Performers
Ivan Fatjo, Peter Gemza, Cécile Loyer, Josef Nadj
Music
Akosh Szelevényi
Musicians
Robert Benko, Eric Brochard, Gildas Etevenard, Akosh Szelevényi
Lights
Rémi Nicolas
assisted by Lionel Colet
Sound design
Jean-Philippe Dupont
Set construction and scenic objects
Olivier Berthel, Clément Dirat, Julien Fleureau, Julien Brochard
Set and props designer
Jacqueline Bosson
Costumes
Françoise Yapo, assisted by Karin Wehner
Production
Centre chorégraphique national d’Orléans
Coproduction
Le Théâtre de la Ville – Paris, la Filature – Scène nationale de Mulhouse, l’Opéra de Lille
Support
Carré Saint-Vincent – Scène nationale d’Orléans
Creation
Carré Saint-Vincent – Scène Nationale d’Orléans, 25 march 2008
Duration
64 min
Entracte stresses the sensitive aspect of Josef Nadj’s work: his passion for music, be it contemporary, traditional or jazz, with a predilection for the dramatic and theatrical nature of improvisation. For most of his works he calls upon musicians to compose the scores, and sometimes perform them on stage. And when, following Asobu and Paysage après l’orage, Nadj wanted to continue his collaboration with saxophonist Akosh Szelevényi, he suggested they confront a new challenge together, broadening even more the place of music in his pieces, bringing it to “the highest level of osmosis” with dance.
Entracte brings together a double quartet, four dancers and four musicians. With their instruments, the musicians are physically at the heart of the stage set. What’s more, the musical and choreographic composition were created simultaneously in the same shared space. Closely intertwined, the network of relationships between music and dance, between dancers and musicians, is already in itself a transposition of the image of the framework formed by the 64 hexagrams, which according to the Yi Ching, the Book of Changes, suffice to comprehend the world in all its diversity. It is upon this major work of Chinese wisdom that Nadj has based the concept of Entracte.
At once one notices the 64-minute length of the piece, the two blocks of ice framing the stage like yin and yang, and six screens enclosing and giving body to shadows, reflections and projections.
And yet, more than the formal structure of the Yi Ching or the web of connections it is derived from, it is their concrete and symbolic elements and their poetic dimension that inspired the choreographer. In particular the idea that the universe is in constant mutation, and that in this incessant movement, each being and each event is linked to one another, like knots in a web.
Myriam Bloedé, translated into English by David Vaughn
Indépendamment de ses partenaires et collaborateurs, l’« interlocuteur » que Josef Nadj a choisi et le territoire sur lequel il a décidé de s’aventurer pour sa prochaine création, ne sont pas un écrivain (ou un artiste) et son univers, mais l’une des oeuvres fondatrices de la civilisation et de la sagesse chinoises, qui est à la fois mode de pensée, vision du monde et de la vie, et tentative de saisie, d’appréhension et de compréhension de la totalité : il s’agit du Yi King ou Livre des transformations – ouvrage composite et collectif, qui s’est élaboré au cours des siècles.
Le socle, le « texte » premier du Yi King consiste en soixante-quatre hexagrammes (ou figures, composées chacune de six traits positifs ou négatifs) attribués au légendaire Fo Hi, qui proposent, à partir d’éléments concrets, une représentation globale et hyperstructurée de l’univers dans son infinie diversité. Cette représentation est gouvernée par le principe selon lequel tout change constamment – selon lequel, autrement dit, chaque figure est susceptible en permanence de muter, se transformer ou se convertir en une autre figure. L’image à laquelle Nadj fait appel en l’occurrence est celle de l’eau qui n’a pas de forme propre, mais épouse celle de ce qui la contient.
Josef Nadj s’appuiera sur le Yi King à un double niveau : structurel et poétique. En effet, il conçoit cette nouvelle pièce comme une trame (signification du mot King) dont chaque noeud correspondrait à l’un des soixante-quatre hexagrammes. À cela s’ajoute l’idée que chacun d’entre nous, et plus largement chaque être, animé ou inanimé, est également un noeud dans une trame. Somme d’expériences et de transformations successives, soumis à un réseau d’influences complexes qui agissent sur lui et le modifient parfois en profondeur, il est à son tour et simultanément capable d’exercer son influence, d’agir sur lui-même comme d’interagir sur le monde et les êtres qui l’entourent.
Par ailleurs, Nadj s’inspirera du texte des commentaires relatifs à chaque hexagramme pour imaginer, « pour déduire par pure intuition », soixante-quatre micro-événements de durée et de nature extrêmement variables : leur composition respective pourra aussi bien être ramenée à un unique son, une image, qu’être développée en une séquence complexe. L’enchaînement de ces événements constituera la dramaturgie du spectacle. Envisagée comme le tissage d’un filet, elle se dégagera au fil des répétitions.
Cette pièce réunira un double quatuor, c’est-à-dire quatre danseurs pour quatre musiciens. Composée en parallèle à la partition chorégraphique, la musique d’Akosh Szelevényi en sera, littéralement, le coeur puisque les instrumentistes seront placés cette fois au centre du dispositif et affirmeront ainsi leur présence sur scène.
Le projet d’Entracte
Dans ce projet, il y a d’abord la volonté commune de « changer d’axe », de sortir des modes de relations conventionnels entre danse et musique, pour tenter d’atteindre un plus grand degré d’osmose, une réelle imbrication. « Je ne veux pas, dit Nadj, que la musique “s’aligne”, mais qu’elle participe d’emblée à la matière de l’événement. » Cette position de principe a des incidences immédiates sur le processus même de création de la pièce : il ne s’agira plus, comme c’est habituellement le cas, de travailler séparément ou en parallèle, mais de réunir de bout en bout dans un même espace de travail et de création la musique et la danse, les musiciens et les danseurs. D’élaborer la chorégraphie dans et avec la présence physique constante des musiciens et de leurs instruments. Et réciproquement, d’inscrire dans la recherche même du tissu sonore, musical, la présence active des corps des danseurs.
Pour donner toutes ses chances à ce travail commun de recherche et de confrontation, de frottement et d’exploration, d’actions et de réactions, Josef Nadj a prévu de le laisser se développer sur plusieurs mois, afin de le dégager autant que possible des contraintes de production, et notamment du caractère d’urgence qui a marqué ses expériences précédentes avec Akosh Szelevényi.
Cependant, pour tous deux, la qualité propre à l’improvisation, avec ce qu’elle suppose de liberté, d’invention, de découverte, mais aussi d’écoute et d’ouverture à l’autre, est essentielle. (Nadj souligne à ce propos la dimension clairement dramatique de l’improvisation musicale.)
Cela signifie qu’indépendamment de la durée du processus de création, qu’au-delà de la part prise par l’improvisation pendant, c’est-à-dire dans la conception de la pièce et de l’ensemble de ses composantes – chorégraphiques, musicales, dramatiques, plastiques –, celle-ci interviendra encore à l’issue de ce processus, dans la pièce aboutie.
Cet attachement à l’improvisation, Akosh Szelevényi le met aussi en relation avec un aspect de sa pratique qui consiste, en particulier dans ses duos avec Gildas Etevenard, à se déplacer, à expérimenter constamment, y compris avec des instruments nouveaux, comme le gamelan ou l’harmonium pour lui, la trompette ou le gardon pour Gildas Etevenard. Ce qu’il traduit encore par la volonté de mettre en avant une part de « non maîtrise » – une conception de l’art qu’il partage avec Josef Nadj.
Josef Nadj et la musique. Rencontre avec Akosh Szelevényi.
Peut-être faut-il d’abord rappeler l’importance de la musique pour Josef Nadj : le rôle qu’elle a joué dans sa formation ; la place, déterminante, qu’il lui a toujours ménagée dans son oeuvre scénique ; ses collaborations, pour certaines au long cours, avec des musiciens auxquels il « commande » pour ses pièces des compositions originales, parfois interprétées sur scène (c’est le cas de La Mort de l’Empereur, Les Philosophes, Asobu ou Paysage après l’orage)… Quant à la couleur de ses choix musicaux, y entrent pour une part les musiques traditionnelles, dans toute leur diversité, mais surtout le jazz et les musiques improvisées.
Sa rencontre avec Akosh Szelevényi, musicien originaire de la même région que lui, relève donc d’une sorte d’évidence. Et elle donnera lieu, après plusieurs années d’échanges et d’observation, d’approche réciproques, à une première collaboration en 2003, lorsque Le Volcan, Scène Nationale du Havre, donne carte blanche à Josef Nadj pour l’organisation d’une « Nuit hongroise » : il invite alors Akosh Szelevényi à y participer, c’est-à-dire à intervenir dans la première partie, exclusivement musicale, mais aussi à composer la musique de la performance chorégraphique et musicale qui constitue la seconde partie de cette soirée – une performance préparée en sept jours, qui pose les jalons d’Eden, pièce créée l’année suivante.
En 2006, Josef Nadj est l’artiste associé du festival d’Avignon : il inscrit notamment dans la programmation du Festival un certain nombre de concerts – Phil Minton et Sophie Agnel ; György Szabados ; Archie Shepp, Tom McLung et le Mihály Dresch Quartet ; ainsi qu’Akosh Szelevényi en duo avec Gildas Etevenard, puis en trio avec Joëlle Léandre et Szilárd Mezei. Par ailleurs, Nadj fait appel à Akosh Szelevényi et Szilárd Mezei pour composer et interpréter, en compagnie du batteur Gildas Etevenard et du contrebassiste Ervin Malina, la musique d’Asobu, sa propre création pour la Cour d’Honneur du Palais des Papes.
Enfin, en décembre de la même année, c’est à nouveau avec Akosh Szelevényi et Gildas Etevenard que Josef Nadj monte Paysage après l’orage, nouvelle version de Last Landscape (2005) pour un danseur et deux musiciens.
Pour Akosh – qui, lors de collaborations antérieures avec le metteur en scène François Cervantes, avait déjà pu appréhender les effets de la confrontation directe entre la musique et la présence d’un corps sur le plateau –, toutes ces expériences ont été comme des étapes préparatoires à la concrétisation d’un projet déjà ancien pour Nadj. Un projet qui lui permette d’aller au plus près de la musique et de mettre en jeu sa conception musicale du mouvement.
La musique d’Entracte
Avec Entracte, il ne s’agira pas pour Akosh Szelevényi de définir un style, une forme, ni de composer a priori des mélodies, mais avant tout de travailler et de composer en concordance avec la proposition scénique de Nadj, c’est-à-dire de revenir à la dimension concrète, physique, du son. Autrement dit, de rechercher (ou retrouver) des liens organiques entre la musique et les éléments ou phénomènes physiques, de faire en sorte que la musique reflète ou véhicule ces éléments ou phénomènes. Ce qui suppose, précise Akosh, d’être prêt à sortir des catégories et des structures, des fonctionnements habituels (note / instrument / composition) « pour rester perméable à ce qui nous entoure ».
C’est pourquoi, si, à ce stade, l’instrumentation n’est pas arrêtée (et si l’invention, la réalisation d’instruments n’est pas exclue), elle se limitera aux instruments acoustiques, souvent traditionnels voire ancestraux, c’est-à-dire « naturels ».
Myriam Bloedé
History :
5 mars 2010
L’Espal
Le Mans (FR)
9-10 février 2010
Théâtre de l’Agora
Evry (FR)
2 février 2010
Théâtre des Salins
Martigues (FR)
30 janvier 2010
L’Opéra de Dijon
Dijon (FR)
12 janvier 2010
Centre culturel Le Rive Gauche
Saint Etienne de Rouvray (FR)
18-20 novembre 2009
Théâtre National
Bordeaux (FR)
20 octobre 2009
Moulin du Roc
Niort (FR)
20 juin 2009
CNCDC
Châteauvallon (FR)
11 juin 2009
Le Granit
Belfort (FR)
26-27 mai 2009
MC2
Grenoble (FR)
6 mai 2009
Le Manège
Maubeuge (FR)
29 avril 2009
L’Arsenal
Metz (FR)
9 avril 2009
La Filature
Mulhouse (FR)
3 avril 2009
Comédie de Valence
Valence (FR)
18-20 mars 2009
Opéra
Lille (FR)
26-27 février 2009
Théâtre de Cavaillon
Cavaillon (FR)
10-14 février 2009
Théâtre de la Ville
Paris (FR)
3-4 février 2009
Théâtre de Caen
Caen (FR)
21-23 janvier 2009
Le Toboggan
Décines (FR)
16-17 janvier 2009
Espace Malraux
Chambéry (FR)
13 janvier 2009
Cultuurcentrum
Bruges (BE)
9 décembre 2008
Maison de la culture
Bourges (FR)
20 novembre 2008
Comédie de Clermont-Ferrand
Clermont-Ferrand (FR)
13 novembre 2008
Maison de la culture
Nevers (FR)
4-5 novembre 2008
Festival Euro-Scene
Leipzig (DE)
21 octobre 2008
Théâtre de Warande
Turnhout (BE)
15 octobre 2008
Festival Bemus/ Yougoconcert
Belgrade (SER)
10-12 octobre 2008
Trafó
Budapest (HUN)
1-2 octobre 2008
Cultural Foundation Territory
Moscou (RU)
1-2 juillet 2008
Associazione Teatrale Emilia Romagna
Turin (IT)
29 avril 2008
L’Estive, Scène nationale
Foix (FR)
10-12 avril 2008
Théâtre de Garonne
Toulouse (FR)
4 avril 2008
Le Parvis
Tarbes (FR)
1er avril 2008
Théâtre de Dracénie
Draguignan (FR)
25-27 mars 2008
Scène nationale d’Orléans
Orléans (FR)
Paso Doble
Conception & performance
Josef Nadj, Miquel Barceló
Sound design
Alain Mahé
Lights design
Rémi Nicolas
Costumes
Fabienne Varoutsikos
Pottery
Jean-Noël Peignon
Coproduction
Festival d’Avignon, Centre chorégraphique national d’Orléans
Supports
Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Délégation aux Arts Plastiques, Centre d’Art et de Création de Kanizsa
Thanks to
IMCA Provence
Creation
Eglise des Célestins – Festival d’Avignon, 16th july 2006
Duration
60 min
Prize
This piece received the Premis FAD Sebastia Gash Internacional 2006 d’Arts Parateatrals – Foment de les Arts i del Disseny, Barcelona – Sebastia Gash International Award for the Paratheatrical Arts – FAD, Fostering Art and Design
The passion of Josef Nadj for the painter’s gesture led him five years ago to Miquel Barceló’s studio. At first it was a stimulating and fruitful dialogue between two artists discovering little by little their level of complicity, their numerous shared interests and preoccupations. Until one fine day, “as a sort of confession”, Nadj declared his desire “to enter into the painting, to experience it from the inside, reacting physically and not just mentally”. Barceló immediately responded, “Sure, but how?”. A challenge launched almost involuntarily by one, immediately taken up by the other, gave way to this Paso Doble that escapes all categories, all definitions: it’s not a stage performance, nor even an art performance. Perhaps an event, “a piece” in the sense of one concrete element in a series… in this case works done in the field of art.
An artwork, yes, without a doubt. Liberated, or in other words unscathed by what Barceló himself calls the “fetishist logic of the painting”. Because after the event, nothing remains except a few photos, a few traces for memory. Because from its inception, its effacing, its disappearance, was inscribed in the project itself.
And so… the expression of an encounter, a double confrontation with the clay, assuming risk and an experience in sharing, the opening of a new space, a new territory, mobilising the senses and amalgamating dance, theatre and the visual arts. And then sound and light.
Myriam Bloedé
POUVEZ-VOUS REVENIR SUR LA GENÈSE DU PROJET DE CRÉATION INTITULÉ PASO DOBLE ?
MIQUEL BARCELÓ Cela fait déjà longtemps que Josef vient passer du temps dans mon atelier et voir ce que je fais ; il prenait déjà des photos des dessins sur les murs, des graffitis notamment. Je lui ai également montré des films et ce que je réalisais avec l’argile. Il voulait me proposer de venir au Festival d’Avignon quand il a su qu’il serait l’artiste associé. Il ne savait pas trop encore quel évènement organiser. Il avait probablement l’idée d’une exposition. Quand il m’a finalement proposé de faire quelque chose ensemble, j’imaginais, pour ma part,, utiliser le corps humain comme extension de ma main sur l’argile mais je ne pensais pas du tout me retrouver en train de jouer, c’est-à-dire en action devant un public. Dans mon idée, il s’agissait de travailler avec les danseurs. Je pensais que créer un espace de ce type serait plus intéressant, que je pourrais diriger tous les corps sur l’argile. On s’est retrouvé à Naples pour faire des essais. C’était bien, mais on a compris tout de suite tous les deux qu’il valait mieux que nous participions directement.
JOSEF NADJ Parmi les peintres qu’il m’a été donné de rencontrer de leur vivant, c’est-à-dire de les connaître dans une vraie proximité de travail, en allant dans leur atelier, il y a Miquel. Depuis quelques années, il m’a permis d’aller régu- lièrement le voir, de suivre son travail, les apparitions, les étapes, les évolutions de ses tableaux. Je me sens aussi très concerné par la nature des différents territoires qu’il aborde, notamment avec la céramique, la terre. C’est une démar- che qui me touche beaucoup. Et un jour, je lui ai dit spontanément – c’était une envie qui s’était accumulée en moi – que j’aimerais bien faire l’expérience d’entrer dans son tableau. Il m’a répondu « oui, mais comment ? »
Déjà, dans ses œuvres picturales, il y a le travail sur le relief, la profondeur de surface, de déchirure. Qui plus est, la terre qu’il utilise, l’argile, est omniprésente à Kanizsa, ma ville natale. Depuis longtemps, cette matière m’in- cite à faire quelque chose avec elle, à l’utiliser de manière plus approfondie. J’ai donc cherché une forme possible de rencontre et c’est la performance qui me semblait être la meilleure solution.
COMMENT AVEZ-VOUS AMORCÉ CE TRAVAIL ?
JN J’ai tout d’abord pensé à la durée du spectacle, environ une heure devant les spectateurs. Dans un premier temps, je me suis préparé en travaillant seul la matière, l’argile. Puis, Miquel est venu à Kanizsa. Comme il n’a jamais pratiqué ce type d’expérimentation, nous ne savions pas qui devait diriger l’autre, s’il y aurait d’autres interprètes pour étudier l’effet de présences vivantes dans un tableau… Lui n’a jamais montré cela. Et moi, je sors complètement du domaine de la danse ou de l’interprétation. Mais très vite s’est imposée l’idée que nous devions faire cette performance en duo, lui et moi, et surtout avec l’intention de dévoiler son propre geste de peintre, d’exposer l’acte même de faire.
MB En effet, dans ce premier essai, j’étais à l’extérieur et je passais mon temps à donner des directives : « pose ici, élargit, creuse ! ». Ce n’est pas dans ma nature de procéder de cette façon. Je préfère faire les choses plutôt que de les demander. Quand je réalise, j’ai un rythme de travail et Josef en a un autre, un geste de danse, tout en présence, au ralenti. Cela me gênait beaucoup. J’ai essayé d’être moins frénétique et lui d’accélérer, nous avons cherché un rythme commun.
JN Nous avons donc fait des essais à deux pour voir comment cette terre réagit, ensuite seulement nous avons imaginé cette sorte de trame, de parcours dans l’espace et le temps.
VOUS PROPOSEZ UNE TOUTE AUTRE APPROCHE DE LA CRÉATION ET DU GESTE DANS PASO DOBLE.
JN En effet, le propos est complètement différent. Il s’agit d’une expérience unique au sens où elle prend son ori- gine dans l’instant présent, plus précisément là où j’en suis de mon rapport au traitement des images : l’image comme travail d’art visuel. Cela devient un moment, un espace unique d’intervention. Au sens où je me concen- tre exclusivement sur comment je peux toucher son tableau, quel type de gestes je peux faire sans défigurer son élan ou sa vision des choses, qu’est-ce que je peux apporter avec mon physique. À un certain moment, il ajoute des matières, des vases d’argile façonnés mais pas encore cuits qu’il lance sur moi et remodèle. Dans cette pro- position, aucun de nous deux ne joue. Il s’agit uniquement de rester concentré sur son geste et de voir dans cette heure, cette durée de la performance ou traversée temporelle et physique, combien de tableaux peuvent surgir, combien d’images peuvent évoluer, se transformer, s’effacer, avant de tout recommencer le lendemain. À chaque fois, ce parcours se reconstruit tel des variations-improvisations sur un même thème.
MB J’aime bien ce moment. On sent que Josef a cette capacité de passer une émotion avec le corps, on est vraiment face à son métier de danseur. Moi, je peux improviser chaque jour une structure différente qui s’effondre, cela me plaît énormément tout comme la fin qui devient comme un grand tableau, un grand animal chaque jour différent.
VOUS AVEZ DONC CONÇU VOTRE TRAVAIL AVEC UNE TRAME D’IMPROVISATION ?
MB Pour moi, l’idée de répéter dix jours une même chose, c’est mortel ! C’est le contraire de mon travail. Heureusement que ce processus permet le changement. Là, je peux me réveiller chaque matin en me disant que je ne sais pas ce que je vais faire. J’imagine qu’au théâtre, on peut trouver de l’intérêt, un plaisir à la répétition, mais je suis très loin de ce monde. Justement, je trouve très bien de jouer avec l’argile, une matière tellement vivante, fraîche, mobile et changeante, qu’on ne peut prétendre que ce qui va se passer chaque jour sera pareil. De même, quand je jette un vase sur Josef, sa chute, avec la matière qui est sur lui, ne peuvent produire des for- mes identiques chaque jour. Cela change ; il faut donc que j’improvise constamment et c’est vraiment passion- nant. J’aime bien ce risque, si on peut dire.
JN Il y a en effet une petite trame. Ce sont d’abord les formes. Dans nos premières conversations, nous avons évoqué ensemble l’espace des grottes, les dessins de la préhistoire, les débuts de la création. C’est pourquoi nous avons gardé l’idée de travailler sur des formes primaires. Puis nous avons déterminé l’espace de cette perfor- mance : un mur d’argile, avec l’envie de commencer dans un état dégagé de toute prédétermination afin de pou- voir se laisser bousculer par tout ce qui advient dans le présent, à travers le geste et l’actualité de la perfor- mance.
Comme nous avons finalement préféré déterminer un nombre de tableaux à construire, cette trame contient une dimension dramaturgique puisqu’elle structure dans le temps de la performance différents éléments à met- tre en place. En quelque sorte, elle contribue à définir ce parcours. Si nous sommes tenus de comprimer un cer- tain nombre d’actions dans un temps limité, on ne peut éviter qu’il en résulte malgré tout une dramaturgie.
EN TANT QUE PEINTRE, VOUS ÊTES VOUS-MÊME DANS VOTRE TRAVAIL BEAUCOUP CENTRÉ SUR LE GESTE…
MB Oui, dans la peinture forcément. Dans le travail que je réalise dans la cathédrale de Majorque, qui est telle- ment énorme, tout est exagéré, même les outils que nous avons dû fabriquer pour couper l’argile par exemple. Paso Doble sera comme une version « live » de cette œuvre-là qui est la plus grande que j’aie jamais réalisée. Cela m’a pris des années de travail pour apprendre et inventer une technique qui n’existait pas. C’est complètement nouveau. D’habitude, on procède par carreaux, jamais en un seul morceau. Là, je sculpte la surface en entier. Puis, une fois terminée, elle est cassée en morceaux, chacun de plusieurs mètres carrés. Ces morceaux énormes sont cuits, puis reconstitués en une seule grande œuvre. Dans Paso Doble, on ne cuit pas, on détruit.
QUE L’ŒUVRE DISPARAISSE, CE N’EST PAS UN PROBLÈME POUR VOUS ?
MB Cela le serait si c’était une œuvre d’un autre type, mais dans ce cas, l’œuvre est en fait un processus. On n’y pense même pas. Cette destruction est même nécessaire. Le but n’est pas de fabriquer, l’important, c’est ce qui s’est passé dans ce temps-là : une performance qui dure une heure.
QUE SIGNIFIE POUR VOUS, EN TANT QUE PLASTICIEN, LA CRÉATION, SOUS FORME D’UNE PERFORMANCE, D’UN DUO AVEC UN CHORÉGRAPHE ET INVERSEMENT ?
MB Cela peut fonctionner entre nous parce qu’il s’agit d’une relation particulière qui est très différente d’une collaboration entre deux peintres. Je reste dans mon univers plastique, donc je me sens très à l’aise. Je n’ai pas la sensation d’être en conflit, au contraire. Josef travaille comme un danseur. En fait non, c’est trop réducteur, je ne définirais même pas son travail de cette façon. Les arts ont depuis longtemps dépassé leurs limites. Cette pièce n’est ni une sculpture, ni une peinture. Et pourtant moi je reste assez classique, je fais des toiles et des sculptures, pas des vidéos ou des installations. J’aime vraiment la matière et le rapport direct aux choses. Beaucoup de formes d’art ont dépassé ces limites, disons traditionnelles. La démarche de Paso Doble est proche de l’art contemporain, d’une approche théâtrale, d’une forme de sculpture ou d’un happening.
Josef connaît très bien mon travail et je crois que nous avons su trouver pour cette occasion un langage com- mun par l’intermédiaire de cette matière, l’argile. Au début, on était presque dans une sorte de balbutiement. J’ai demandé à Josef de ne pas « figurer », de ne pas faire de gestes trop physiques pour ne pas dessiner, parce que je veux que cela surgisse à la fin comme une apparition et non par la volonté. Ensemble, on parle très peu. On arrive aux choses mais pas par la parole, le plus souvent c’est par le geste. Nous avons aussi quelques points communs. Par exemple, nous sommes tous deux issus d’une minorité linguistique et culturelle et par ailleurs, nous sommes également de grands lecteurs.
Pour préparer le spectacle, nous avons travaillé dans différents endroits : à Naples, Kanizsa et Avignon. Jamais nous n’avons eu besoin d’échanger beaucoup avec les mots et je crois que c’est une bonne chose. Cela se tradui- rait plutôt par un sentiment, une ambiance qui nous guident. Cela fait partie de la particularité de cette œuvre, le fait qu’elle ne soit pas verbalisée, parce que nous essayons d’aller plus loin à partir d’une nécessité que nous ressentons sur place.
JN Miquel compte désormais des années de travail, d’expérience et de maîtrise. À travers ses œuvres, sa démar- che s’est déployée en de multiples dimensions, sur différents supports et matières : croquis, aquarelles, tableaux gigantesques réalisés avec des pigments et d’autres matériaux. Souvent, il utilise la terre et intègre son geste dans l’œuvre même. Autrement dit, il est dans son tableau.
Pour moi, être amené à travers cette performance, à partager quelques-uns de ses gestes, me permet de décou- vrir, de comprendre quelque chose de son travail, de l’intérieur. Dans cette posture, je vois comment il exécute ses gestes. J’en ressens physiquement l’impact ainsi que celui de la matière qu’il a choisi d’utiliser. Donc j’en pro- fite, je m’appuie le plus possible sur ses gestes et j’essaie de trouver dans mon attitude une forme de contrôle qui m’est complètement inhabituelle. Car mon but n’est pas de me confronter avec lui dans le tableau. Il s’agit plu- tôt d’un tableau qui se construit à quatre mains. Mais comment faire pour être juste avec cette posture, alors que je n’ai ni son parcours, ni son habileté ?
Comme l’expérience que j’ai acquise vient du geste, c’est à partir de cette connaissance que je travaille. Je me pré- pare différemment puisque je ne cherche pas à danser. Mes gestes sont dirigés vers le tableau, mais sans savoir si les traces que je laisse à partir de mon corps et de ses mouvements sont justes, c’est-à-dire compatibles avec son propre geste. Si l’on considère que dans cette performance je peins aussi, je me retrouve aux prises avec un double geste puisque je dois aussi me préparer physiquement pour agir sur l’objet. Dans ce projet, je deviens le support du matériau même. Mon expérience de porteur, ce travail physique du corps qui peut endurer beaucoup et faire bouger à un moment donné m’est très utile quand il s’agit de supporter des dizaines de kilos d’argile !
CET ENDROIT-LÀ, « ÊTRE DANS LE TABLEAU », ÉTAIT DÉJÀ UNE QUESTION QUI TRANSPARAISSAIT DANS VOTRE PRÉCÉDENT SPECTACLE LAST LANDSCAPE, CRÉÉ EN DUO AVEC LE COMPOSITEUR RUSSE VLADIMIR TARASOV, LEQUEL PARTICIPE AUSSI À VOTRE NOUVELLE CRÉATION, ASOBU.
JN Oui dans l’esquisse c’est assez proche, sauf que dans Last Landscape, ce sont mes propres intuitions et traces qui demeurent. Là, il s’agit de visiter, d’approcher l’autre. Avec un travail aussi fort et différent que celui de Miquel, ce n’est pas évident. Déjà dans un sens premier, car ce sont des expériences très rares. Même dans les arts plastiques, il y a peu d’exemples d’une proposition de ce type ; à savoir deux plasticiens qui décident de faire un tableau commun. Van Gogh et Gauguin se sont fâchés. Certes, Francesco Clémente, Baskia et Warhol l’ont fait, mais c’est encore différent puisque je n’approche pas la démarche de Miquel en tant que plasticien. Même si je crois que ce qui m’a permis de réaliser ce projet est lié au fait que, même modestement, je dessine moi-même et j’ai développé un fort rapport à l’image.
Et surtout, dans cette dimension de mon travail, j’ai souvent cherché à rester en relation avec quelques peintres, à prolonger le temps et la possibilité de vivre un peu avec leur tableau, en restant plus longtemps que ne le per- met une exposition, à proximité des œuvres, dans l’atelier. Je suis même resté seul la nuit dans celui de Miquel. Avec des bougies, j’ai joué avec les ombres et les lumières pour étudier de plus près le mouvement de ses tableaux, sentir les lignes de force, vivre le paysage. Comme une préparation intuitive à cette performance qui n’est visi- ble, approchable que dans ce temps unique de son exécution.
Ce qui m’en reste, c’est l’acte accompli, le fait d’avoir pu toucher et sentir sculpter sur moi le poids de la matière, l’avoir déplacée pendant quelques minutes pour faire exister un tableau, dans une durée éphémère, puisqu’il est ensuite effacé. Le lendemain tout est à recommencer. Pour Miquel aussi, le fait de travailler sur l’éphémère relève d’une nouvelle dimension. Jusqu’ici, il pouvait jouer sur des temps de travail différents, disons de quelques minutes pour une esquisse à des semaines de travail pour un tableau. Pour moi, l’éphémère est une pratique habi- tuelle mais pour lui non. Il doit chercher à comprimer, à trouver l’espace d’une durée déjà prédéterminée. C’est ainsi que nous avons dû ajuster nos repères réciproques pour agir dans une même direction.
JOSEF NADJ, VOUS ÉVOQUEZ UN ÉTAT CORPOREL INTÉRIEUR ?
JN Oui, on se concentre sur l’essentiel afin de pouvoir suivre l’apparition des formes qui se manifestent dans l’argile. Le deuxième motif est exécuté avec de grands vases de la même matière, encore frais, donc un peu mous, que l’on transforme avant d’entrer nous-mêmes dans le tableau. Ces expérimentations ont fait partie d’une pre- mière phase de travail.
Dans la seconde, nous avons essayé de trouver, à partir de la répétition, une aisance de parcours qui nous per- mette de peaufiner la qualité de notre présence. Pour moi, il est très important de pouvoir expérimenter en duo de cette façon. La création d’un spectacle, son aboutissement à travers la représentation, est porteuse d’un autre type de geste. Il s’agit de sublimer la forme. Dans une performance, c’est très différent. On n’est plus dans la représentation mais dans la présentation. Il s’agit de sculpter la forme. Indissociablement liée au geste qui la tra- vaille, elle fait partie de notre présence. Mais ce qui compte d’abord, ce n’est pas l’acteur, l’interprétation, mais l’effet de l’objet. En tout cas, c’est ce que nous cherchons à obtenir, une justesse de geste et de forme qui ne soit ni une représentation, ni une matière de jeu. Donner à voir ce processus est déjà une chose unique en soi.
Propos recueillis par Irène Filiberti
History :
17 avril 2016
Fondation Beyeler
Bâle (CH)
1er octobre 2015
Galerie Bischofberger
Zurich (CH)
23-24 octobre 2009
Caballerizas Reales
Cordoue (ES)
6-9 juin 2009
Biennale de Venise
Venise (IT)
8-11 mai 2009
Teatre Lliure
Barcelone (ES)
6-8 octobre 2008
Théâtre de Garonne
Toulouse (FR)
1-3 juin 2008
Festival d’Athènes
Athènes (GR)
16-19 janvier 2008
Barbican Centre
Londres (UK)
3-5 décembre 2007
Le Prado
Madrid (ES)
14-16 septembre 2007
St. Ann’s Warehouse
New York (USA)
15-17 + 19-24 juin 2007
Théâtre des Bouffes du Nord
Paris (FR)
19-21 février 2007
La Lonja
Palma, Majorque (ES)
16-27 juillet 2006
Festival d’Avignon, Église des Célestins
Avignon (FR)
Asobu
A tribute to Henri Michaux
Choregraphy & scenography
Josef Nadj
Performers
Guillaume Bertrand, Istvan Bickei, Damien Fournier, Peter Gemza, Ikuyo Kuroda, Mathilde Lapostolle, Cécile Loyer, Nasser Martin-Gousset, Josef Nadj, Kathleen Reynolds, Mineko Saito, Gyork Szakonyi and the Butô Dairakudakan dance company : Ikko Tamura, Pijin Neji, Tomoshi Shioya, Yusuke Okuyama
Music
Akosh Szelevényi, Szilárd Mezei
Performed by
Akosh Szelevényi, Szilárd Mezeï, Gildas Etevenard, Ervin Malina
Choregraphy assistant
Mariko Aoyama
Lights
Rémi Nicolas
assisted by Christian Halkin
Scenography
Michel Tardif
& Ateliers du Festival d’Avignon
Props
Jacqueline Bosson
Costumes
Yasco Otomo
assisted by Fabienne Orecchioni, Francine Ouedraogo, Sayo Maeda, Françoise Yapo
Coproduction
Centre Chorégraphique National d’Orléans, Festival d’Avignon, Setagaya Public Theatre – Tokyo, Théâtre de la Ville – Paris, Emilia Romagna Teatro Fondazione – Modena
Supports
Carré Saint-Vincent – Scène Nationale d’Orléans, DeSingel – Anvers, Cankarjev Dom -Ljubljana, Région Centre
With the help of “Performing Arts japan”, Fondation du Japon, programme Culture 2000 de l’Union européenne, Kirin Brewery Co, Shiseido Co and Air France
Creation
Cour d’honneur du palais des papes – Festival d’Avignon, 7 july 2006
Duration
80 min
Dedicated to Thomas Erdos
For Josef Nadj, ‘playing (‘asobu’ in Japanese), and all the various aspects of that act, is a new challenge to the stage and to gesture which is present in all his work.
After last year’s fabulous conversation between music and dance in Last Landscape, entirely focused on the act of the painter and writing for music – colours and variations developed while working closely with Russian composer Vladimir Tarasov – the choreographer revisits one of his favourite fields, the study of the life and work of an author, drawing imaginary connections with that person and his own artistic research on the body, movement, poetry and image.
Nadj has for a long time been fascinated by the works of Henri Michaux, for two basic reasons. One is that the poet takes drawing and markings deeper into the meaning of language, and he uses travel to invent imaginary peoples, small, unusual tribes who leap out at you as if they were visible apparitions.
Weaving ‘the fable of origins’, the title of one of Michaux’ first texts, is one of the themes shared by the two artists; Nadj, continually digging further and further to find material for his creations in his home region, material which he metamorphoses by infusing it with elements from elsewhere, from other cultures and other forms of artistic expression. Henri Michaux travelled to Japan and from that trip drew his story called Un Barbare en Asie. Josef Nadj, for his part, left Kanisza to visit the Land of the Rising Sun and created Asobu. The voyage is real but also metaphorical, crossing the river, the Tisza, which runs beside his native town of Kanisza and constantly beckons you to ride on its lazy waters elsewhere.
So Josef Nadj decided that for this new piece he would take six modern dancers from Japan, four of them having been trained in the art of Buto. Twenty-four actors, dancers and musicians, including composer Vladimir Tarasov, melt into the scenic landscape out of Nadj’s imagination. Costumes, masks and dummies play a part in the enigmatic effects of transformation which make them move.
Bodies melt into each other, change shape, roll-up, lay-down, rise or fall, revealing strange and interior worlds, an abundance, saturation of material, effects of mass, density and which focus one’s gaze. And then the dance suddenly launches into the space of the Courtyard of Honour in the Pope’s Palace, across the entire vast stage, across that horizon, exploding, taking-off, vibrating.
It is a work of view, of vision and that, like a sketch, a stroke, a line, continues its movement until it disappears. Asobu, crossing over from one place to another.
A journey into the world of bodies and matter.
Irène Filiberti
Asobu, la création que vous présentez dans la cour d’honneur au début du festival, signifie « jeu » en japonais. Quel est son lien au spectacle ?
JOSEF NADJ Je cherchais un terme qui, par rapport aux acteurs présents dans ce spectacle, évoque l’aboutissement de nos différentes rencontres, notamment une série d’ateliers menés depuis plusieurs années au Japon. Travail qui, pour cette création, s’est ouvert à l’arrivée de six danseurs japonais, quatre danseurs de butô et deux danseuses contemporaines qui partagent notre recherche. La notion de jeu répond plutôt à l’idée de défi. Cette pièce en relève deux en une seule proposition. Le premier est le fait de jouer dans la Cour d’honneur du Palais des papes, le second d’intégrer un groupe d’interprètes venus d’ailleurs avec un autre ancrage, une autre tradition, ce qui est très stimulant. Dans cette pièce, sur scène, tout est jeu, à chaque instant. À partir d’un jeu premier, essentiel, celui de l’acteur. Il y a bien d’autres dimensions au jeu, mais ce que je cherche à travers lui tient plutôt à ce qui accompagne la danse. Les images, taches, ombres, travestissements ainsi que la présence d’un mannequin, tous ces matériaux sont les éléments d’un jeu. Nous jouons aussi avec les frontières et les différentes cultures, avec les transformations qui se produisent dans ces traversées d’un pays à un autre, d’un état à un autre. Enfin j’essaie aussi de mettre en jeu : montrer, dévoiler les préparatifs du spectacle, ce qui fait illusion au théâtre, comment on y entre et on en sort, comment la magie prend fin. Il y a une très forte concentration sur scène car tout ce que nous faisons est à vue, y compris ce qui en général se passe en coulisse. Je montre comment « on fait derrière ». Je n’ai rien voulu cacher, seulement concentrer, densifier.
Comme dans la plupart de vos pièces, vous évoquez l’œuvre d’un poète. Dans asobu, il s’agit d’henri michaux. Comment l’abordez-vous ?
C’est une histoire qui remonte assez loin dans mon parcours. Je voulais aborder l’œuvre de Michaux depuis des années, avant même de créer mon spectacle Poussière de soleils, réalisé autour des écrits de Raymond Roussel. Le cas de Michaux, sa vie, son œuvre me semble davantage favorable à la composition du groupe d’artistes réunis dans Asobu afin de créer la matière à partir de laquelle je voulais travailler, notamment autour de l’idée de voyage. Je m’intéresse en particulier à la façon dont ceux-ci ont influencé son œuvre poétique. Cela me permet d’interroger mon propre parcours. Son questionnement croise le mien. En tant que chorégraphe, cette mise en parallèle me permet d’entrer dans sa matière, de comprendre la façon dont il remet en question l’écriture en tant qu’écrivain, y compris lorsqu’il touche au dessin, ce que je fais également, pour creuser le sens même du langage. Je m’appuie de plus en plus sur cette expérience pour avancer : mettre en parallèle différentes propositions, recherches ou questionnements artistiques. Je me suis donc surtout intéressé à son rapport à Ailleurs, au Voyage en grande Garabagne - Au pays de la magie - Ici, Poddema (éditions Gallimard, coll. « poésie ») et tous ces peuples imaginaires qui, à un moment, s’engagent peu à peu pour former de petits univers, avec des tribus insolites. Par ailleurs, dans la compagnie, la présence d’interprètes de différents pays me donne un peu cette impression. Un groupe, une communauté qui pourrait être l’un de ces peuples imaginaires selon Michaux.
Comment mettez-vous en scène, en jeu, ces correspondances ?
Je travaille la matière indéfiniment et différemment. J’essaie de rendre visible un imaginaire, tous les éléments que je suis en train de construire et d’articuler. J’ai d’abord vécu un moment au milieu des œuvres de Michaux et ce premier travail d’approche est devenu, en cours de création, un repère essentiel. J’y reviens sans cesse. J’imagine Henri Michaux avec le pinceau, face au papier, qui s’essaie à faire une première tache-mouvement, qui cherche le mouvement, la musicalité, qui cherche encore des signes, des pré-signes, des éléments de pré-langage, lesquels, dans sa démarche, résultent d’un travail préalable, après une série de tableaux ou d’autres visions qui peu à peu ressemblent à des masques, convoquent des apparitions, forment des figures. Mais c’est le mouvement, l’extension des lignes et même la musicalité de certains détails de surface qui l’intéressaient. Il était dans cette quête-là. Il y a un moment du spectacle où je réponds à la figure du poète qui lâche un mot et déjà le transforme. Nous avons repris quelques fragments de poèmes parmi ceux qu’il a écrits en langue imaginaire, dont il a détourné le sens pour ne garder que la musicalité des mots, la signification ayant été évidée. Dans Asobu, j’évoque aussi l’apparition des taches à partir des corps et d’un jeu d’ombre. De cette manière, je peux m’approcher de ce dessin de plume. J’en fais apparaître plusieurs, toujours à partir des corps. C’est-à-dire que j’essaie de déformer la présence humaine, de façon à ce qu’elle devienne une tache et compose de petits dessins dans le temps, comme une partition musicale contemporaine. Car ces taches peuvent également évoquer une notation possible en même temps qu’un nouvel espace.
Vous parlez de musicalité et de matière, de quelle façon les travaillez-vous ?
Déjà dans le mouvement, et en composant des formes de regroupements, des figures solitaires ou en groupe, voire amalgamées. Je ne sais pas comment je travaille la musicalité, cela se fait à l’oreille, comme je l’entends. Ce sont aussi des rapports simples, directs, avec Vladimir Tarasov le compositeur qui travaille avec nous pendant les répétitions et fait des propositions que nous discutons ensemble. 2
Sa position est différente de celle qu’il occupait en duo avec vous dans last landscape ?
Oui, sa partition est plus fixée, écrite. Certains points sont plus détaillés et le travail en groupe est différent de celui qui peut s’effectuer en duo. Mais il est venu avec moi au Japon, il a rencontré les danseurs avant même que je les choisisse, a vu des répétitions. Je lui ai aussi montré des images filmées, elles font parties des sources d’inspiration directes et indirectes qui réagissent avec sa musique. Ensuite il m’a fait des propositions. Puis nous avons réfléchi au type de composition, nous avons cherché des correspondances, ce qui nous semblait le plus juste pour une scène ou une autre.
Que cherchez-vous dans ces moments-là ? Procédez-vous de façon complètement intuitive ?
Ce peut être une sorte d’harmonie dans l’espace sonore et visuel, et de temps en temps des rapports d’énergie ou bien d’ambiance, de couleur, ça dépend. De sens bien sûr, parce que le thème musical peut donner ou suggé- rer un sens dramaturgique que les images ne peuvent proposer. Il y a donc de multiples rapports et plusieurs types d’intervention pour trouver des propositions musicales qui s’accordent avec la nature de scène.
Dans quel espace se déroule le spectacle ?
Lors de mon dernier voyage au Japon, en regardant un spectacle nô, en appréciant surtout cette remarquable façon de gérer le temps et l’espace, une idée m’est venue. Dans le nô, la scène est petite et le peu d’éléments qui s’y trouvent prennent une signification particulière. Cette façon de procéder m’a d’abord confirmé dans le choix d’épurer l’espace. Ensuite j’ai eu envie de faire construire une petite scène, qui n’est pas celle du nô mais qui permet de concentrer des présences sur un espace restreint. Contrairement à cet art japonais, cette petite scène se déplace et l’on peut aussi bien jouer dessus qu’à côté. J’ai réduit à l’essentiel les objets pour véritablement renforcer la présence humaine des corps. J’ai également inclus des films courts qui ont été réalisés dans ma ville natale, Kanizsa avec l’origine comme point de départ. Ainsi, j’essaie de suivre les traces de Michaux, qui part d’un lieu précis pour aller d’ailleurs en ailleurs, de plus en plus loin. Cette stratégie d’écriture, je l’emprunte pour présenter l’espace d’où je viens, ses aspects extérieurs, géographiques, et je termine avec le motif du fleuve qui court aussi dans son œuvre. Je me suis inspiré d’Ecuador, de ce moment où l’auteur réalise comment il peut concevoir son propre chemin. Il se trouvait alors sur le fleuve Amazone et descendait en pirogue en lisant le livre tibétain de Milarepa. Je reprends des images de fleuve et avec un mannequin, j’évoque l’image du poète, hypersensible, écorché par le monde. Dans le film, il est installé sur une petite barque suspendue qui descend le fleuve et regarde.
Vous parlez de déplacements, de traversées ?
J’ai cherché à travailler l’espace sur plusieurs dimensions. L’intérieur, l’intime ou ce qui représente le vécu ; une vision du monde singulière, et l’ailleurs dans sa dimension réelle ou imaginaire. En terme d’espace, ce qui m’intéresse aussi dans le fait de jouer dans ce grand espace qu’est la Cour d’honneur du Palais des papes, c’est d’offrir un point de focalisation sur un petit élément. Cela requiert une force d’intériorité extrêmement concentrée, pour qu’elle puisse par l’effet de cette densité traverser ce grand espace. Toujours avec l’idée du voyage comme traversée, un travail de lien, de regard ou vision qui circule du proche au lointain.
Comment avez-vous vécu cette aventure d’être artiste associé de cette édition du festival ?
La demande de devenir artiste associé a été soudaine. Quand Hortense Archambault et Vincent Baudriller m’ont appelé en décembre 2002, j’étais à Moscou, et il fallait répondre très vite, sans vraiment pouvoir réflé- chir, j’ai dit oui, et au fur et à mesure, j’ai vu ce que cela signifiait réellement. Mais de suite j’avais compris que c’était une opportunité extraordinaire pour pouvoir éclairer et illustrer mon univers artistique ou mon territoire, ce que j’ai essayé de faire. Nous avons beaucoup parlé sur ce que pouvaient être mes repères dans mon parcours, notamment de mes débuts en Voïvodine, puis à Budapest, au moment où j’ai décidé de changer de chemin, des arts plastiques vers l’art théâtral. À cette époque pour apprendre, il y avait très peu de livres traduits en hongrois, trois ouvrages m’ont été très précieux Le Théâtre de la cruauté d’Artaud, un livre d’Anatoli Vassiliev, un livre sur le nô japonais. J’ai alors construit un axe de travail jusqu’à aujourd’hui autour de certaines préoccupations : comment le travail au quotidien fait acquérir une maîtrise du geste, comment apprendre à appréhender la forme à travers des expériences diverses. Nous avons également beaucoup discuté de musique et de peinture, du déplacement et du voyage, de la rencontre avec l’autre, ainsi que de l’apprentissage auprès des maîtres. En ce qui concerne mon parcours proprement dit dans ce festival, pour être le plus honnête avec moi-même, je ne voulais pas faire de reprise d’une de mes pièces, mais prendre le risque de deux créations, deux formes iné- dites, Asobu dans la Cour d’honneur et Paso Doble avec l’artiste Miquel Barceló. J’ai souhaité également montrer un aspect moins connu de mon travail artistique, des photographies et des dessins, Les Miniatures. On pourra également voir le film que je viens de réaliser sur Last Landscape. Enfin j’ai proposé d’inviter des artistes hongrois, le poète Otto Tolnaï, à travers une lecture de ses poèmes, le peintre Alexandre Hollan et le musicien György Szabados pour la première fois en France. Sa venue m’émeut particulièrement ; ce musicien a été l’un de mes maîtres à Budapest, où je fréquentais son « atelier de musique libérée », non pas de musique de jazz ou de musique improvisée, mais de musique libérée. Szabados est une figure dont la présence m’a semblé indispensable, ainsi que tous les musiciens de jazz qui donneront une certaine couleur à ce Festival.
Propos recueillis par Irène Filiberti
J’écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire : me parcourir.
Là est l’aventure d’être en vie.
Henri Michaux (Passages)
Le sentiment de « complicité » que ressent Josef Nadj à l’égard d’Henri Michaux remonte à plusieurs années : ainsi, en 1999, Michaux s’était déjà vu ménager une place, discrète, dans Le Temps du repli.
Les points de rencontre entre ces deux artistes sont nombreux et pour certains manifestes – à commencer par leur prédilection commune pour le rythme, la musicalité, ou par les relations qu’entretient le chorégraphe avec la peinture et la poésie, et réciproquement par la réflexion qu’a constamment poursuivie le peintre et poète au sujet de l’espace, du geste et du mouvement.
Plus précisément, parmi les motifs qui ont incité Nadj à consacrer Asobu, sa prochaine création, à Henri Michaux et qui ont orienté sa conception de ce projet, on peut mentionner l’attrait pour l’« ailleurs » et la pratique du voyage, mobile ou immobile ; le défi personnel voire la recherche de ses propres limites comme moteur de l’action ou de l’expérience ; la notion de passage, d’un lieu ou d’un langage, d’un médium à un autre ; la Fable des origines, titre de l’un des premiers textes de Michaux et thématique majeure, récurrente dans son œuvre, qu’il décline dans de multiples réinventions du monde et dans des créations de mondes, de contrées, de mythes imaginaires ; l’extrême concentration sur l’intériorité ou encore sur le fragment, le détail, l’infiniment petit. Enfin, cette tension entre Orient et Occident qui les anime tous deux et dans laquelle l’Orient est envisagé comme un horizon (géographique, social), un lointain, et surtout comme une « civilisation », une constellation de cultures millénaires.
Cette pièce qui réunira des danseurs japonais (quatre butôkas et deux danseuses contemporaines) aux interprètes de la compagnie et qui sera l’occasion de réaliser c’est-à-dire de mettre en jeu cette tension, se concentrera donc sur l’auteur du Barbare en Asie (1933) et de Poteaux d’angle (1981) – l’un des ultimes recueils de Michaux dans lequel, selon Nadj, il « touche » le taoïsme et d’une certaine manière rejoint ainsi l’un des textes fondateurs de la sagesse chinoise, Le Livre des Transformations ou Yi King. Or, Nadj rappelle que les deux derniers hexagrammes (63e et 64e) du Yi King s’intitulent respectivement « Après la traversée » et « Avant la traversée ».
C’est dans cette perspective qu’Asobu est conçue comme une traversée de l’œuvre d’Henri Michaux. À l’exception des voyages accomplis par le poète, et particulièrement de ses voyages en Orient, très peu d’aspects de sa biographie seront pris en compte. En revanche, le thème de la « traversée » dans son sens concret, physique, et intellectuel, symbolique, voire mystique, est essentiel.
Myriam Blœdé
Josef Nadj ensorcelle Avignon
Le chorégraphe, artiste associé du Festival, a pris possession de la Cour d'honneur avec "Asobu", inspiré par Henri Michaux.
Des sons de clochettes se dissipent dans le vent léger qui court sur le plateau de la Cour d'honneur du Palais des papes. Il gonfle le pantalon du mannequin au visage bandé assis à une table en train d'attendre. Le dîneur solitaire fait une tête d'enterrement. Les motifs de prédilection du chorégraphe et plasticien d'origine hongroise Josef Nadj sont à leur poste : la table, le pantin défiguré, la réversibilité vie-mort. Sans compter les palissades en bois qui bordent un côté de la scène tandis qu'une petite estrade carrée se dresse à l'opposé. Que la sarabande commence !
Vendredi 7 juillet, Asobu ("jeu" en japonais), de Josef Nadj, artiste associé de l'édition 2006 du Festival, a ramassé dans un mouvement ample, une respiration dilatée, les fragments d'un rêve surréaliste tissé des textes d'Henri Michaux (1899-1984), auquel la pièce rend hommage. Dans une montée gestuelle et sonore, seize interprètes et quatre musiciens, tous habillés en noir et gris, ont donné au mot "sortilège" une saveur inédite où l'obscurité et la beauté de l'humain s'équilibrent dans un furieux tiraillement.
Pourquoi le Japon ? Pour Michaux, d'abord. Après Raymond Roussel, Bruno Schultz ou Georg Büchner, c'est le voyageur-écrivain auquel s'arrime Josef Nadj dans Asobu. Pour le soutenir au cours de son périple spectaculaire, dans ce qui ressemble toujours peu ou prou à une plongée introspective, Nadj a élu Michaux, partenaire mental de longue date dont la proximité fait ici fructifier ses fantasmes.
Michaux a traversé l'Europe et l'Asie pour se poser au Japon avant la seconde guerre mondiale. Nadj travaille régulièrement au Japon et a choisi six danseurs nippons pour participer à Asobu. Mais l'emprise de Michaux ne s'arrête pas là. Il peignait et dessinait. Nadj aussi. Le chorégraphe aime visiter les galeristes parisiens possédant des oeuvres du poète. Le trait fourmillant de l'un n'est pas sans rappeler le coup de plume minutieux et dense de l'autre.
Sur un plateau dégagé dans sa quasi-totalité, Josef Nadj donne libre cours à sa fureur de danser, traçant des déplacements de groupe ou des échappées en duo savamment articulés. La femme pelotonnée dans les bras de l'homme ou celle le surplombant telle une vigie s'inscrivent d'ores et déjà parmi les vignettes rares de l'album d'images de Josef Nadj.
Idem les solos féminins, qui n'ont besoin de rien pour griffer l'air en rêvant de le caresser. Sculptural, le geste chorégraphique recycle les corps pour faire advenir des créatures imaginaires qu'un jeu d'ombres sublime en monstres de parade.
SEUIL APRÈS SEUIL
Josef Nadj est un être partagé, morcelé. Sa danse part en éclats, cassant l'interprète sans le démantibuler. Son théâtre d'images aussi. Sa structure en abyme, imbriquant des scènes les unes dans les autres comme des poupées gigognes dont l'air de famille n'empêche pas d'infimes différences, entrechoque les associations poétiques que seul un rêveur effréné doublé d'un insomniaque peut imaginer. Seuil après seuil, les personnages s'enfoncent, s'ingénient d'un coup de tête à repousser le cauchemar qui pointe derrière le leurre de la réalité. Il y a toujours chez Nadj le revers de la vie qui s'exprime dans un sursaut de lucidité.
La question du visage, cher à Michaux, se concentre chez Nadj dans la figure du pantin. Enveloppé façon momie prête à être enterrée ou entièrement dissimulé par un foulard pour un rituel nippon revu et corrigé, le visage, ce messager ouvert de la personne, avance voilé, brouillé. Le solo autoportrait de Nadj, créée en 2002, ne s'intitulait pas par hasard Journal d'un inconnu, soulevant le point d'interrogation de l'identité ou de celle que l'on s'imagine posséder.
Battant au rythme martelé de la musique signée par Akosh Szelevenyi et Szilard Mezeï (deux semaines avant la création, le complice-musicien Vladimir Tarasov, perle rare dans l'accompagnement-live du chorégraphe, a été débarqué du spectacle), Asobu se déchiffre pas à pas comme une énigme sans solution. Sur des percussions fines ou épaisses, avec contrebasses, flûte et violon, le "jeu" se maintient pendant plus d'une heure quinze, intense, fertile (presque trop vers la fin), comme si Nadj se prenait lui-même en otage. Les accents jazzy barrissants de cette complainte tendue hurlent le prix à payer pour rester bien vivant.
"J'écris pour me parcourir, disait Michaux. Peindre, composer, écrire : me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie." Depuis la création de sa compagnie en 1986, six ans après avoir quitté sa Yougoslavie natale pour la France, Josef Nadj, nommé directeur du Centre chorégraphique d'Orléans en 1995, poursuit une oeuvre hantée par la connaissance de soi et l'irréductibilité du destin. Cyclique, Asobu perpétue avec une rare amplitude une boucle de naissance et de mort à l'horizon sans cesse repoussé. Pièce paradoxalement épurée, truffée pourtant de références, elle se lit comme le manifeste d'une conscience qui ne trouve de paix momentanée que dans l'action spectaculaire.
Pour sa première expérience dans la Cour d'honneur, Nadj a eu la veine d'une insolente distribution. Auprès des six Japonais nouveaux venus dans la troupe et parfaits agents déstabilisateurs, la présence résolue et puissante d'anciens a fait pencher la bascule. Les Hongrois Istvan Bickei, Peter Gemza, Gyork Szakonyi, ainsi que Kathleen Reynolds, Mathilde Lapostolle, Cécile Loyer et Nasser Martin-Gousset donnent un relief majeur à Asobu. Cette pléiade, qui tient tout simplement l'histoire de Nadj dans sa main, a offert une floraison superbement inattendue.
Rosita Boisseau – Le Monde 9 juillet 2006
History :
12 février 2007
Biwako Hall
Otsu (JP)
8 février 2007
Performing Arts Center
Matsumoto (JP)
26 janvier – 3 février 2007
Setagaya Public Theatre
Tokyo (JP)
7-9 décembre 2006
Centre d’Art International de Singel
Anvers (BE)
1-2 décembre 2006
La Filature
Mulhouse (FR)
7-13 juillet 2006
Cours d’honneur du Palais des papes – Festival d’Avignon
Avignon (FR)
Les Jours
For the last twenty years Josef Nadj has never departed from the same ritual. Each time he returns to Pannonia, he takes the wheel of an ageless Russian four wheel drive, Nikon on the passenger seat, to roam the land of his birth in the north of Vojvodina. He takes photographs, “in a state of presence in the world, attuned to the sensibility of sites, my consciousness entirely absorbed in contemplation of nature and the authentic moment”.
Nadj photographs landscapes: fields, rivers, wild and cultivated tracts, desert plateaux, the high grasses. And without fail he also photographs farms – isolated, dilapidated, or abandoned, in the vast plains of this “little triangle of territory baptized the corner of tempests”. This time, indoor landscapes. Run-down petrified buildings, scattered across the rolling countryside in these wide-open expanses of Vojvodina. The occupants missing – vanished without leaving an address. Today these buildings, open to the four winds, are destitute dislocated silent relics, primitive sculptures in the process of dissolution. Clay, straw and dirt already overtaken by vegetation, soon returning to earth, time, and nature.
Inside, jumbled together on worn-out walls: chalk, pigment, strata of clay and limestone, askew cracks, faded family photos, arabesques of colour blanched by the passing years, clocks with time suspended…
From these collective works where natural agents and temporal material are superimposed, Nadj has grasped and seized all their picturality. These motifs, with their multifarious variations, echo contemporary art history movements, from Jackson Pollock’s drip painting to Claudio Parmiggiani’s Delocazione. Nadj gives shape – in passing – to the metaphysics of sites and the dramaturgy of absence, pursuing the trace left by the passage of humans in the labyrinth of memory and time.
Jean-François Ducrocq
Exhibition available on tour.
History :
3 février – 2 avril 2018
Angles de lumière – collective exhibition
Centre d’Arts Plastiques
Royan (FR)
10 novembre – 9 décembre 2017
Festival D’Jazz Nevers
Nevers (FR)
2 décembre 2016 – 8 janvier 2017
Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier
Orléans (FR)
Paysage après l'orage
Choregraphy & performance
Josef Nadj
Music
Akosh Szelevényi, Gildas Etevenard
Lights
Rémi Nicolas
Sound design
Jean-Philippe Dupont
Set and props construction
Julien Fleureau , Olivier Berthel, Clément Dirat
Coproduction
Centre Chorégraphique National d’Orléans – Festival d’Avignon – Emilia Romagna teatro Fondazione – Modena
With the support of
Région Centre
Creation 1st version – Last landscape
Festival d’Avignon, 11 july 2005
Creation 2nd version – Paysage après l’orage
Théâtre Garonne – Toulouse, 12 december 2006
Duration
60 min
This singular and earnest self-portrait brings together a deep and earthly dance with an intense musical score. Alternating between slow and rapid sequences, delirious and meditative figures, this solo is a witness to Josef Nadj’s creativity, which retains a vibrant and primitive force, highlighted by a hypnotic and bewitching musical score played live. The spatial layout uses a number of visual and audio devices, such as this blackboard, subjected to furious chalk attacks by the two musicians, or this small house-shaped metal construction that they punch throughout the performance.
A previous version of this piece, Last Landscape, was shown in 2005.
History :
30 janvier 2009
Scène Nationale d’Orléans
Orléans (FR)
15-17 avril 2009
Pôle Sud
Strasbourg (FR)
29-31 janvier 2008
MC2
Grenoble (FR)
18 mars 2008
Le Temps du Jazz
Amiens (FR)
29 mars 2008
Théâtre de Dracénie
Draguignan (FR)
5-6 septembre 2008
La Cité de la Musique
Paris (FR)
24 octobre 2008
L’Allan, Scène Nationale de Montbelliard
Montbelliard (FR)
23-24 février 2007
Festival Equilibrio, Auditorium Parco della Musica
Rome (IT)
23-24 février 2007
La Comète, Scène Nationale
Châlons-en-Champagne (FR)
5 avril 2007
La Comète, Scène Nationale
Châlons-en-Champagne (FR)
24 avril 2007
Culturcentrum Brugge
Bruges (BE)
9 mai 2007
Théâtre de Chartres
Chartres (FR)
6-7 octobre 2007
Teatro SESCS Vila Marina
Sao Paulo (BR)
11-13 octobre 2007
Riocenacontemporanea Fetsival
Rio (BR)
9 novembre 2007
Barka-Szinhaz
Budapest (HUN)
13-14 novembre 2007
Forum Meyrin
Génève (CH)
12-16 décembre 2006
Théâtre de Garonne
Toulouse (FR)
Last landscape
A piece for one dancer and one percussionist
Choregraphy
Josef Nadj
Composer-percussionist
Vladimir Tarasov
Performers
Josef Nadj, Vladimir Tarasov
Lights
Rémi Nicolas
Props
Michel Tardif
Masks
Jacqueline Bosson
Coproduction
Centre Chorégraphique National d’Orléans, Festival d’Avignon, Emilia Romagna Teatro Fondazione – Modena
With the support of
Région Centre
Creation 1st version – Last landscape
Festival d’Avignon, 11 july 2005
Creation 2nd version – Paysage après l’orage
Théâtre Garonne – Toulouse, 12 december 2006
Duration
60 min
Look with the whole body, like a painter, transpose a vision, create a show from that experience. This is what Josef Nadj is trying to do together with composer-percussionist Vladimir Tarasov. On the stage, images replace words, while a captivating dialogue weaves itself between music and dance. The musician-impro artist arranges his sounds and rhythms in a number of variations. The choreographer-dancer describes a subtle world with gestures and masks. His dance is a strange one. It seems to come from far away, capturing the small, physical, almost archaic movements which precede the creation of a work. From sequences to paintings, the space is constantly changing with the use of shadow and light, curious materials and surfaces, closing and distancing effects. Beyond time and with an enchanted rapport with objects that define his world, Josef Nadj choreographs each impulse behind each gesture. He restores the sketch. A man facing a landscape. Last Landscape, the last one. A self-portrait. The origin of this show is real place, a place which has marked the choreographer since his childhood. Near his home village in ex-Yugoslavia. There is a wild, desert-like and clay-earth area of land. In the past it was the home for nomadic tribes, and it is said that it has a miraculous source which is the subject of many took root. In a completely abstract way, with the mysterious sense of signs which is found in all his pieces, the artist performs his own journey. Facing the landscape, he wonders about the two-pronged aspect of his approach. Behind the man on stage is a plastician. So gradually, the actor fades and leaves matter, colour and energy to draw their own, different landscape.
Josef Nadj définit le projet de Last Landscape comme un « autoportrait face au paysage ». Mais le paysage dont il est ici question n’est ni une abstraction ni une généralité. Il s'agit d’un paysage existant, à quelques kilomètres de Kanjiza, sa ville natale - une petite ville de Vojvodine (Yougoslavie), située à quelques kilomètres des frontières avec la Hongrie au Nord et la Roumanie à l'Est. D'un paysage qui exerce un attrait sur lui depuis l'enfance.
Le paysage
Désigné comme « le désert », ce paysage aux caractéristiques tout à fait particulières est un coin perdu de Pannonie - cette vaste plaine qui était autrefois une mer dont le lac Balaton serait « l'empreinte » liquide.
Presqu’aucun arbre à l'horizon, mais une étendue d’herbes folles qui enserrent une dépression argileuse, absolument aride, d’où cependant, de temps à autre, jaillit une source actuellement en sommeil. Cette source aurait, dit-on, des vertus miraculeuses et il existe à son sujet toute sorte de légendes.
À proximité immédiate, se trouve un petit édifice à partir duquel, par un système de canalisations, l'eau de la source était autrefois acheminée vers Kanjiza. Mais il existe aussi des tumulus, également ensevelis sous les herbes, dont l'existence accrédite l’idée selon laquelle ce « désert » et sa source magique auraient été, il y a des milliers d'années, un lieu de culte pour des tribus nomades.
Le climat de la région est continental, chaleur ou froid intenses et pluies diluviennes. Aussi, le paysage varie en fonction des saisons et des conditions climatiques : tantôt les eaux de pluie sont retenues au fond de la dépression, formant un étang peu profond, totalement opaque, gris-vert et argileux ; tantôt, sous l'effet de la chaleur ou du gel, l'argile se dessèche et des craquelures apparaissent à la surface.
Autoportrait
Au cours des dernières années, les créations scéniques de Josef Nadj se sont réparties selon deux axes distincts : d’une part, des pièces de groupe inspirées par la vie et l’œuvre d’un artiste (d'un écrivain, à une exception près) et, de l’autre, des petites formes (duos ou solos) qui renouent avec ses toutes premières chorégraphies et dans lesquelles la part de l'autobiographie, du vécu et de l’expérience, est plus sensible, plus manifeste.
C’est à la deuxième catégorie que ressort Last Landscape. Un autoportrait donc, mais volontairement partiel, à la manière de ces tableaux ou de ces (auto-)fictions littéraires qui mettent en scène le peintre dans son atelier ou l’écrivain devant sa page blanche... Il s'agit en somme d’un autoportrait de l’artiste au travail, dans lequel « l’œuvre en cours » est de surcroît envisagée comme un retour aux sources de son art.
Ainsi, Josef Nadj conçoit Last Landscape comme une sorte de pause, réflexive et féconde, sur l’origine du mouvement et, plus précisément, sur l'origine de son mouvement. Car. pour lui, la question des origines (de la notion d’origine au sens large ou de ses propres origines) est une préoccupation centrale.
Processus
Le point de départ de Last Landscape, c’est l’idée du paysage, de ce paysage précis, comme « scène primitive », c'est-à-dire comme lieu où s’enracine le mouvement. Cet endroit désertique, comme métaphore du dépouillement le plus extrême, peut être le lieu d’une recherche qui se situe en deçà de tout artifice, de tout concept, de toute élaboration intellectuelle. Dans un rapport direct, concret, de l'homme au monde - en l’occurrence de Josef Nadj au paysage de son enfance, ce paysage premier et « ultime » qui représente pour lui la synthèse, idéale pour toute création, entre « la matière et l'idée ».
Cette recherche procède d'abord de la sensation, l’appréhension sensible de ce fragment de nature - il s'agit de « s’immerger » dans le paysage, de se laisser absorber par lui pour tenter de le comprendre, d’en comprendre l’histoire et ses répercussions, le présent et ses plus infimes variations. Puis de la traduction immédiate de cette sensation dans un mouvement qui serait l’écho, le prolongement et comme l’émanation du paysage lui-même.
En un second temps, elle consiste à mémoriser ce « mouvement originel », à l’intérioriser de manière à l’emporter avec soi pour pouvoir le réaliser, le réactualiser hors du paysage - en studio, sur scène. Ou, symétriquement, pour pouvoir recréer ailleurs, en studio, sur scène, la sensation de cet espace.
Last Landscape
Créé en duo et en correspondance intime avec le percussioniste Vladimir Tarasov, Last Landscape est en quelque sorte « l’esprit du lieu ». C’est l’écho et la réverbération, par le dessin, le mouvement et le son, d’une expérience qui relève d’une nécessité intérieure - l’expérience intime d’un retour aux sources.
Mais c’est aussi un paysage : évocation d’un décor naturel dans tous ses états et restitution d’un parcours créatif, condensation et projection dans le présent de la représentation d’un espace réel et d’un espace mental, c’est un paysage multiple, visuel et sonore, qui se compose et se décompose sur la scène tout en y inscrivant ses traces.
Enfin, réflexion menée par un chorégraphe sur le mouvement et son origine, Last Landscape comporte également des références au cycle - de la nature, des saisons, de la création -, c’est-à-dire au mouvement perpétuel et aux notions d’effacement et de renouvellement.
Last Landscape, suite...
Le projet Last Landscape englobe à la fois l’œuvre scénique pour un danseur et un musicien (création festival d’Avignon 2005) dont il est ici question, et un film, Last Landscape. Josef Nadj par Josef Nadj (52’ / 2006) qui mettra en parallèle la pièce et ce qui la fonde, c’est-à-dire sa genèse, ses sources et son processus de création.
Myriam Blœdé
Dans Last Landscape, vous dansez seul, accompagné par un musicien. Comment peut-on interpréter cette intention ? Est-ce une nécessité pour vous de revenir ponctuellement à un point d’origine, au travail particulier de l’écriture du solo ?
Josef Nadj Après Le Journal d’un inconnu, j’ai éprouvé un profond besoin de poursuivre la réflexion que j’avais engagée sur le mouvement. Mais plutôt que d’interroger le danseur à travers l’écriture d’un solo, mon idée était de chercher un autre angle d’approche du geste, en associant un témoin à cette recherche. Il s’agit de Vladimir Tarasov qui est compositeur et musicien, percussionniste. En réalité, Last Lanscape est un espace de partage, non pas avec un autre danseur, mais avec un musicien. Dès le début, dans ma proposition, il y a une volonté de dépassement. Trouver un rapport à la musique qui ne soit pas un simple accompagnement. Ce n’est pas juste une composition mais une écriture élaborée à partir d’un travail d’improvisations entre musique et mouvement.
Vladimir a cette faculté très particulière, ample, d’être non seulement un compositeur mais surtout un musicien d’improvisation. Durant les étapes de préparation de la création, le travail ressemblait beaucoup à une écriture de jazz ou de musique improvisée. Il y avait une légère trame d’événements, ou plutôt de propositions, des idées et des directions, quelques ajustements et des répétitions. Nous avons fait durer un peu cette phase pour garder la matière de l’écriture ouverte, souple. Pour voir ce qui arrivait, explorer les possibilités qui s’offraient à nous et les tester auprès d’un public. La composition spontanée, l’improvisation demandent un état de concentration particulièrement aigu que l’on n’obtient pas forcément lorsqu’on travaille en studio car on sait que l’on peut modifier ou corriger les choses sans problème.
J’avais le désir de retrouver cette pratique de danseur, d’improvisateur que j’ai beaucoup aimée il y a des années et que je pratique beaucoup moins aujourd’hui. Enfin, disons plutôt que je l’utilise dans les répétitions, dans le processus de création, puisque l’essentiel de mon travail est issu de l’improvisation et non pas de concepts. Mais créer, composer en public, c’est une façon de faire qui ne m’est pas habituelle. Puis, je me suis livré à un travail d’analyse sur la matière issue de ces improvisations et l’écriture est devenue de plus en plus précise. Au fur et à mesure – c’est aussi la façon dont nous avions procédé lors de notre première collaboration dans Le Temps du repli – Vladimir Tarasov cristallise aussi sa propre écriture. Je veux dire qu’il agit, réagit essentiellement avec la mémoire des gestes musicaux. Et l’ensemble peut apparaître pour finir comme une composition écrite bien que cela ne soit pas le cas. C’est ce qui me fascine avec cette collaboration avec des musiciens. Je travaille sur une écriture très structurée alors que le musicien, dans son espace, peut développer toutes les variations possibles. J’avais vraiment besoin de cette dimension de l’écoute extrême dans le développement de mon travail.
Quels sont les motifs de votre choix pour les percussions ?
D’abord l’énergie sur le plateau. En tant qu’interprète, être accompagné par des percussions en direct, donne une perception des choses très forte. Dans les moments de jeu, je peux m’appuyer sur elles. Il y a cette vibration dans l’espace, cette énergie qui provient de la nature même des sons. Quelque chose de réel et en lien avec la lumière. On peut alors entrer dans une autre dimension : créer la couleur des sons. Aller plus loin. Pas seulement à partir d’une rencontre entre danseur et musicien mais aussi créer entre deux langages, deux formes de compositions. Pour le dire autrement, j’élabore une dramaturgie visuelle tandis que Vladimir Tarasov, en réponse à mes propositions, crée une composition musicale au sens le plus noble du terme.
Pourquoi avoir intitulé cette création Last Landscape ?
Il y a un glissement dans cette proposition. Pour moi, la matière première de ce spectacle provient de l’observation d’un espace réel. Il s’agit d’un paysage presque idéal. Proche de mon village natal en Voïvodine, je le fréquente depuis quelques années. C’est un endroit un peu désertique. Inchangé depuis des milliers d’années, il abrite des légendes, mais on n’y trouve aucune trace humaine. Le danger y est omniprésent car ce lieu peut disparaître à tout instant. Dans cet endroit, il n’y a presque rien hormis les éléments naturels comme le vent, le soleil, la terre, l’herbe qui pousse, l’eau, une source qui jaillit de temps en temps et quelques animaux.
Dans mes autres créations, je me référais à des sources littéraires, à des observations ou des souvenirs concrets de personnes. J’ai enlevé ces repères habituels dans mon travail au sens où je crée généralement avec des éléments aux contours nets. A l’inverse dans Last Landscape, tout est dégagé. Il reste le lieu, un espace vide. Je suis face au mystère.
Je n’avais encore jamais procédé de cette façon. Solliciter l’imaginaire et la perception en interrogeant la présence et les souvenirs d’autres personnes qui dans des temps lointains, reculés, ont séjourné dans cet endroit-là alors que je ne dispose d’aucun type d’informations sur eux. Comment trouver un contact avec cet espace, capter la mémoire, l’énergie du lieu. C’est là que je rejoins le rapport avec le musicien et les percussions. Un partage très physique même si on le considère en dehors du travail musical. Se ressourcer dans un endroit précis de la nature est aussi un acte très concret. Ce contact produit des impacts physiques, des moments qui font réagir le corps. J’essaie simplement d’être à l’écoute de ce qui se passe là car je ne peux pas le comprendre. C’est un travail de perception qui demande de se concentrer sur les sensations. Dans un premier temps, elles partent dans tous les sens ou cherchent à se cristalliser, se fixer à un imaginaire. C’est un travail sur l’imaginaire qui se développe en toute liberté.
De quelle façon développez-vous ces différents rapports entre musique, peinture et mouvement ?
Dans cette création, il y a un double noyau. D’une part, la matière du mouvement, appelons ça une sorte de danse. D’autre part, un travail sur le regard. Pas seulement en tant qu’observateur. Il s’agit de regarder avec tout le corps mais aussi avec l’idée de voir comme un peintre devant son tableau. Chercher à capter ou saisir les choses en tant que motif visuel et transposer cette vision avec le geste, le trait, le dessin. Sur scène, il y a un rapport au tableau. Autour de la notion de surface et des impulsions qui motivent le geste du peintre.
Un personnage apparaît. Ses gestes sont les signes de l’acte qu’il souhaite accomplir, faire un tableau. La musique cherche à effacer ses actions. Pour moi, ce désir est à l’origine d’une sorte de danse. Pour le percussionniste, effacer le tableau devient la source de la musique. Il y a donc toute une recherche entre nos partitions, pour retrouver, y compris visuellement, l’essentiel : l’impression de paysage. Cela passe par la dimension horizontale puis verticale, le rapport entre le haut et le bas, la terre et le ciel avec un jeu sur le blanc et le noir. Cela évolue et prend différentes formes jusqu’à ce que la figure humaine, mon personnage, s’intègre complètement à l’image. Last Landscape est mu par un désir de représentation presque impossible. Autour de l’idée d’un tableau qui reflète le paysage. Le dernier avant que la civilisation n’y dépose son empreinte.
Pour souligner l’impossibilité de notre propos, la pièce commence par deux figures de clowns. Derrière nos masques, Vladimir et moi-même, le musicien et le danseur, nous pensons que la tache est impossible mais nous nous proposons de le faire quand même. Ce chemin mène forcément quelque part, pour chacun de nous-même, mais aussi, comme par ricochets, vers l’extérieur. L’évocation de quelque chose d’indéchiffrable. Je n’ai pas la prétention de vouloir une mémoire juste. Que s’est-il passé dans ce lieu- là ? À partir de cette question, je suis simplement resté à l’écoute de mes réactions physiques et mentales. En procédant à la façon d’un rituel très personnalisé, j’ai eu envie de structurer cette prématière “cynétique” jusqu’à ce qu’elle devienne quelque chose de plus lisible, palpable.
C’est la première fois que je me pose la question “comment transposer”, mais je suis maintenant dans cette veine-là, imbriquer différentes façons de procéder.
Propos recueillis par Irène Filiberti
History :
25-26 septembre 2006
Yugoslav Drama Theatre
Belgrade (SRB)
9 mai 2006
Théâtre de Cavaillon
Cavaillon (FR)
19-20 avril 2006
Bonlieu Scène nationale d’Annecy
Annecy (FR)
11 avril 2006
La Halle aux grains
Blois (FR)
14-26 mars 2006
Théâtre de la Ville
Paris (FR)
25-27 janvier 2006
Théâtre des Treize Vents
Montpellier (FR)
4-7 janvier 2006
Scène nationale d’Orléans
Orléans (FR)
28-30 octobre 2005
ATER
Modena (IT)
11-12 septembre 2005
Théâtre MU
Budapest (HUN)
8 septembre 2005
Art House
Kanjiza (SRB)
11-24 juillet 2005
Festival d’Avignon (Création officielle)
Avignon (FR)
10 octobre 2004
3 Wochen mit Pina Bausch Tanztheater Wuppertal, PACT Zollverein
Essen (DE)
13 avril 2004
Festival D’Jazz Nevers, Maison de la Culture de Nevers
Nevers (FR)