Omma

Chorégraphie

Josef Nadj

 

Interprètes

Djino Alolo Sabin (2021-2023), Timothé Ballo, Abdel Kader Diop, Aïpeur Foundou, Bi Jean Ronsard Irié,

Jean-Paul Mehansio, Marius Sawadogo, Boukson Séré

 

Collaboration artistique

Ivan Fatjo

 

Lumières

Rémi Nicolas

 

Musiques

Tatsu Aoki & Malachi Favors Maghostut, Peter Brötzmann & Han Bennink, Eureka Brass Band, Jigsaw, Lucas Niggli, Peter Vogel

 

Régie générale

Sylvain Blocquaux

 

Régie son

Ivan Fatjo ou Steven Le Corre ou Pierre Carré

 

Coproduction

Les Nuits de Fourvière, Festival International de la Métropole de Lyon | Les Théâtres de la Ville de Luxembourg | Le Trident, Scène Nationale de Cherbourg-en-Cotentin | MC 93-Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis | La Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme-Ardèche | Charleroi danse, centre chorégraphique de Wallonie – Bruxelles | Le Grand Angle, Scène régionale du pays voironnais | Les Salins, Scène nationale de Martigues | Centre chorégraphique national de Tours / Thomas Lebrun (Accueil studio) | Théâtre des Quatre Saisons – Scène Conventionnée d’intérêt national «Art et Création»

 

Soutiens

Ministère de la Culture – Direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de France | Région Ile-de-France | l’Institut Français et le programme Teatroskop | Angers – Centre National de Danse Contemporaine | CN D – Centre national de la danse | La Briqueterie – CDCN du Val-de-Marne | la Scène nationale d’Orléans

 

Création

La création de OMMA, initialement prévue en juin 2020 au Festival Les Nuits de Fourvière (Lyon), a été reportée en raison de la pandémie de Covid-19. Elle a finalement eu lieu les 9 et 10 février 2021 au Grand Théâtre des Théâtres de la ville de Luxembourg.

 

Ils sont huit, en vestes et pantalons noirs, clin d’œil à l’intemporelle silhouette de Josef Nadj. En leur prêtant son costume de scène, celui-ci engage chaque danseur non pas à marcher sur ses pas, mais au contraire à révéler sa propre singularité. OMMA est avant tout une histoire de partage et de transmission.

 

Dans cette nouvelle création, le chorégraphe d’origine hongroise a constitué un groupe de huit interprètes originaires du Mali, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Congo Brazzaville et de la République Démocratique du Congo : ce sont autant d’influences, de mouvements, de cultures et d‘histoires qui imprègnent cette pièce. Ensemble ils composent un seul corps – noir ou fekete, comme ils le proclament…en hongrois. Un corps pluriel dans lequel chacun affirme son propre langage, son identité, sa danse : va-et-vient saisissant entre le groupe et l’individu qui nous renvoie irrésistiblement à l’universalité de l’être humain.

 

Un véritable groupe s’est formé : confiance, partage, respect ont irrigué le processus de création, à tel point que le public ne peut ignorer le plaisir et la générosité de chaque interprète, ni l’harmonie qui émane de leur collectif. La force de OMMA réside dans l’engagement du groupe et l’évidence de la pièce qu’ils ont créée ensemble, celle-ci empruntant à chacun d’eux. Pour Josef Nadj, il importait de se concentrer sur les corps et les mouvements afin d’aller à l’essentiel. Ce principe de simplicité s’applique également au plateau, laissé volontairement à nu, ainsi qu’à l’univers sonore composé de souffles, de voix, de silences et d’entêtants rythmes jazz. Sur scène, les corps, les lumières et le son se suffisent à eux-mêmes, sans artifices.

 

De là à évoquer une pièce organique ? OMMA vise manifestement à revenir aux sources de la danse, avec le mouvement comme essence et l’univers pour horizon. Autrement dit, OMMA serait une quête chorégraphique des origines répondant à l’hypothèse émise par Josef Nadj : la danse n’aurait-elle pas surgi avec la naissance de notre humanité ? Et de poursuivre : retourner aux sources de la danse et du mouvement, n’est-ce pas revenir à l’origine de l’univers ? C’est à cette fin que le chorégraphe appréhende la matière que lui donnent ses interprètes pour construire avec eux – et avec leurs corps – une danse commune et plurielle, résolument universelle.

 

Josef Nadj a embarqué ses interprètes dans un voyage aux sources de la danse, où se situe, peut-être, le point d’équilibre de notre univers. Faisant écho au cycle de la vie, cette nouvelle pièce chorégraphique renvoie à l’essentiel : regarder ce qui se passe sous nos yeux pour mieux voir ce qui nous anime au fond de nous-mêmes dans un destin commun. Dès lors, la signification d’OMMA, en grec ancien, devient éclairante : « œil », mais aussi « ce qui est vu ou regardé ». Sans doute peut-on y lire une invitation à conserver nos sens en éveil pour mieux saisir cette danse dédiée à la genèse de notre humanité.

 

Marylène Malbert

Dates ultérieures :

 

09 > 10 february 2021 – PREMIERE ! 

Les Théâtres de la ville de Luxembourg

Luxembourg (LU)

 

 

09> 10 juin2021

Les Nuits de Fourvière – en complicité avec la Biennale de la danse de Lyon

Lyon (FR)

 

09> 11 juillet 2021

Festival de Almada

Almada (PT)

 

17 juillet 2021

la Scène nationale d’Orléans

Orléans (FR)

 

29 > 30 juillet 2021

Biennale di Venezia

Venice (IT)

 

23 > 24 aout 2021

FITS – Sibiu International Theater Festival

Sibiu (RO)

 

12 septembre 2021

FIAT – Festival of international alternative theater

Podgorica (ME)

 

15 > 16  septembre 2021

Eleusis 2023 european capital of culture & aeschylia festival

Elevsis (GR)

 

2 octobre 2021

Mess Festival

Sarajevo (BA)
20 > 24, 26, 30, 31 octobre 2021

 

MC93 – Maison de la culture de Seine-Saint-Denis

Bobigny (FR)

 

27 octobre 2021

Charleroi Danse Biennale

Charleroi (BE)

 

9 novembre 2021

Le Trident – scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin

Cherbourg-en-Cotentin (FR)

 

19 novembre 2021

Desire Central Station Festival

Subotica (SRB)

 

21 novembre 2021

Pannon Várszínház

Veszprém (HU)

 

2 décembre 2021

Les Salins – scène nationale de Martigues

Martigues (FR)

 

14 décembre 2021

Le Grand angle

Voiron (FR)

 

21 janvier 2022

Théâtre Romain Rolland

Villejuif (FR)

 

2 mars 2022

Théâtre des quatre saisons

Gradignan (FR)

 

4 mars 2022

Espace Jéliote

Oloron-sainte-Marie (FR)

 

Mars 2022

MASA

Abidjan (CI)

 

22 > 23 mars 2022

La Comédie de Valence

Valence (FR)

 

29 > 30 avril 2022

Tropiques Atrium

Martinique (FR)

 

12 mai 2022

Le Grrranit

Belfort (FR)

 

19 mai 2022

Théâtre du Passage

Neuchâtel (CH)

 

25 mai 2022

Feszt Festival

Timisoara (RO)

 

23 juin 2022

Teatro Due

Parme (IT)

 

28 juin 2022

Flow Festival

Sfântu Gheorghe (RO)

 

2 > 3 juillet 2022

Colours Festival

Stuttgart (AL)

 

15 juillet 2022

Korespondance Festival

Zdar (RT)

 

27>28>29 juillet 2022

Paris l’Eté

Paris (FR)

 

24 septembre 2022

THÉÂTRE D’ARLES

ARLES (FR)

 

14 octobre 2022

THÉÂTRE DURANCE

CHÂTEAU ARNAOUX (FR)

 

08 novembre 2022

THÉÂTRE FRANÇOIS PONSARD, LE MANEGE

VIENNE (FR)

 

19 novembre 2022

INTERFERENCES FESTIVAL

CLUJ (RO)

 

24 novembre 2022

INSTITUT FRANÇAIS DE SAINT-LOUIS

SAINT-LOUIS (SE)

 

26 novembre 2022

INSTITUT FRANÇAIS DE DAKAR

DAKAR (SE)

 

30 novembre 2022

INSTITUT FRANÇAIS DE BRAZAVILLE

BRAZZAVILLE (CO)

 

02 décembre 2022

INSTITUT FRANÇAIS DE KINSHASA

KINSHASA (RDC)

 

07 décembre 2022

INSTITUT FRANÇAIS DE COTONOU

COTONOU (BEN)

 

20&22 janvier 2023

EMILIA ROMAGNA TEATRO FONDAZIONE

Bologne (IT)

 

07&08 février 2023

FESTIVAL TEMPORADA ALTA

Lima (PE)

 

11 février 2023

LES HALLES DE SCHAERBEEK

Bruxelles (BE)

 

23 février 2023

LE MOULIN DU ROC

Niort (FR)

 

16 mai 2023

THÉATRE JEAN-ARP

Clamart (FR)

 

12 JUIN 2023

DANCE WEEK FESTIVAL

ZAGREB (CR)

 

01&02 JUILLET 2023

VAROSMAJORI FESTIVAL

BUDAPEST (HU)

 

24 AOUT 2023

SAGUNT A ESCENA

VALENCIA (ES)

 

20 JANVIER 2024

THEATRE L’OCTOGONE

PULLY (SU)

 

13 FEVRIER 2024

LE GRAND R

LA ROCHE-SUR-YON (FR)

 

Saison 2024 encore en construction

 

 


Josef Nadj - Mnémosyne

Mnémosyne

Projet photographique et performatif

 

 

PERFORMANCE

 

Conception & interprétation

Josef Nadj

 

Lumières

Rémi Nicolas

 

Construction décor et régie générale

Sylvain Blocquaux

 

Musiques

Peter Vogel, Emmanuelle Tat

 

 

 

EXPOSITION

 

Photographie & vidéo

Josef Nadj

 

Collaboration artistique photographies & vidéo

Szabolcs Dudás

 

Lumières & conception des cimaises

Rémi Nicolas

 

Encadrement

Jean-Pierre Haie | Atelier Demi-Teinte

 

Régie générale 

Sylvain Blocquaux

 

 

Coproduction

Biennale de la danse de Lyon 2018, Centre Chorégraphique National – Orléans, La Filature Scène nationale – Mulhouse, Le CENTQUATRE – Paris

 

Soutiens

Ministère de la Culture – Direction générale de la création artistique – Délégation à la danse, Région Île-de-France, La Villette – Paris, Résidence Sainte-Cécile – Orléans
Josef Nadj est artiste en résidence au CENTQUATRE-Paris et lauréat du programme de résidences internationales de la Ville de Paris aux Récollets

 

Création

Biennale de la Danse de Lyon – Musée des Beaux-Arts, 22 septembre 2018

Mnémosyne

Projet photographique et performatif

 

Mnémosyne pour dire la mémoire d’un monde : celui du chorégraphe et plasticien Josef Nadj. Trente ans après la création de sa première pièce, il nous offre une œuvre globale, associant projet photographique et performance scénique. Tout au long de son parcours, l’artiste formé aux Beaux-Arts de Budapest n’a jamais cessé de photographier. En se réappropriant cette pratique menée en parallèle, Josef Nadj puise dans sa propre mémoire pour élargir, une nouvelle fois, son horizon créatif. Virage artistique ou retour aux sources ? Pour Mnémosyne, il a conçu une vaste exposition photographique, un véritable écrin constellé d’images au sein duquel il se met en scène – entre jeu, danse et performance – au plus près de son public.

 

Soit un petit espace clos et sombre, une camera oscura en attente. Le visiteur y devient spectateur voire regardeur. Dans l’intimité de ce cabinet où s’animent quelques curiosités, Josef Nadj livre une brève performance d’une rare densité : chaque mouvement, chaque action, chaque instant résonne avec son parcours, personnel et artistique, transfiguré dans une épure empruntée à Beckett. Et l’on songe alors que, dans le titre « Mnémosyne », on entend le mot « Ménines »… A l’instar du chef-d’œuvre de Vélasquez, Mnémosyne contient une multiplicité de regards qui ne cessent de se nourrir.

 

Autour de ce dispositif activé le temps de la performance, Josef Nadj a conçu une exposition photographique foisonnante. Chacun des clichés accrochés aux abords de la boîte raconte une histoire, à appréhender comme un spectacle suspendu. Chaque image recèle une mémoire en soi, connue de l’artiste seul : s’y côtoient des objets trouvés retenus pour leur puissance suggestive, des références patrimoniales qui ne cessent de l’inspirer et toutes sortes de souvenirs. Ces clichés suggèrent, parallèlement à la brièveté de la performance, un rapport au temps qui s’étire sur plusieurs années, de la recherche des formes à la composition des images, du choix de la technique à la prise de vue effective.

 

Hommage personnel et transversal à l’Atlas demeuré inachevé de l’historien d’art allemand Aby Warburg, Mnémosyne s’apparente à une œuvre d’art totale, à la fois installation, performance et exposition, dont il reste pour chacun une image, ultime, qui interroge à la fois notre regard et notre mémoire : qu’avons-nous vu ?

 

Marylène Malbert, entretien avec Josef Nadj

"Le théâtre des grenouilles de Josef Nadj" par Ottó Tolnai

Josef rentrait à bicyclette du Tisza, le fleuve de sa ville natale, quand tout à coup, il aperçut une grenouille sèche, écrasée, écrasée à plat, une tôle de crapaud comme   on disait. Il freina, s’arrêta près d’elle et la ramassa. Puis encore deux autres. Certaines de ces grenouilles passent des jours durant par le rouleau compresseur   des bicyclettes, des voitures et des camions et quelquefois aussi des tanks, jusqu’à atteindre cet état quasi vibrant et incandescent de la tôle. Enfants, ces sortes de  pengő en tôle de crapaud constituaient une devise valable, un vrai trésor (avant la guerre, on appelait pengő la monnaie hongroise, déjà sans valeur pour les  numismates mais pas parmi les enfants), on pouvait les échanger contre ce qu’on voulait, des cristaux de sulfate de cuivre - qui à nos yeux constituaient de véritables mottes d’azur, qui nous excitaient par son aspect azur, parce que du jour au lendemain, nous nous retrouvions près de l’Adriatique, la mer des mers, à la frontière de la presqu’île des Balkans - , on pouvait aussi les échanger contre des aiguilles à chapeau en rubis, des timbres exotiques ou bien à l’effigie de la reine d’Angleterre... Ces cadavres de crapauds avaient encore une autre vertu considérable, ils étaient de véritables guérisseurs - on frottait et soignait avec, sur nos pieds et nos mains, les tumeurs naissantes en forme de durcissements de la peau qu’on appelle durillons.

 

Josef rentra à la maison en trombe avec ses trois tôles de crapaud comme si c’était quelque chose de nouveau, de précieux vinyles à faire tourner tout de suite... Et en fait, dans une certaine acception, il les a fait tourner; Rilke avait rêvé  d’un  gramophone qui pourrait aussi jouer la suture du crâne... Et Josef a trouvé le moyen de faire entendre et de montrer la peau morbide, aplatie jusqu’à devenir pareille à de la tôle, et dont la texture, complètement irrégulière est l’une des plus épaisses au monde, des plus excitantes, concurrençant celle des serpents et des crocodiles pour ses motifs... Rapidement, il installa parmi les crapauds une créature particulière, née du hasard : vieux marteau à la tête brisée, os fossilisé, éperon, œuf de caille, rose de Jericho, chauve-souris séchée, bibelot, fragments de bibelots qui ont tous l’air d’attendre là depuis des siècles leur arrivée, et déjà ils offrent une lueur inattendue à tout ce monde de crapauds, mécanisme de montre, cristaux de sel, une maman chat momifiée dans une sorte de jaspe, avec son petit et, l’hommage de Malevics, Wols et Beuys, une boîte de premiers secours avec sa croix.

 

Alors, ils ont commencé à parler. Ils se sont mis à parler et à chanter. Qui aurait cru que les crapauds étaient des chanteurs d’opéra...que les grenouilles vertes le soient, ça par contre on le savait déjà.

Avant l’arrivée à Sarajevo d’une princesse anglaise (ou d’une reine, je ne m’en souviens plus) de zélés intendants ont fait ramasser toutes les grenouilles à l’entour  du lac de la résidence mais au matin, la princesse (ou la reine) annonça toute heureuse que jamais depuis son enfance elle n’avait si bien dormi, que jamais depuis son enfance elle n’avait entendu musique aussi belle que celle qui avait résonné sous sa fenêtre cette nuit-là, pourtant Hayden et Hendel avaient joué chez elle... Il semble que le pauvre personnel n’était pas arrivé à ramasser toutes les grenouilles vertes…

 

Oui, les crapauds écrasés ont parlé, chanté et se sont donnés à voir à Josef. En  même temps, ils grandissaient à merveille, effroyablement. Josef en conçut presque de la peur, il reculait devant elles. Il n’avait pas compté avoir à faire à des ténors héroïques, à des rôles tragiques de personnages pathétiques du théâtre de Shakespeare, d’Orson Welles ou de l’opéra de Pékin. C’est à peine s’ils n’ont pas exigé derrière eux, la boîte de la scène. Rapidement, Josef a préparé une petite    boîte de ce style, il a enrobé de pâte à modeler les côtés et y a imprimé des motifs à l’aide d’une grosse dent d’agneau et encore et encore a installé des scènes autour  des tôles de crapauds, des  crapauds héroïques, cependant que  ceux-ci commencèrent, joliment et pathétiquement à gesticuler avec leurs doigts et  leurs mains merveilleusement énormes. Il ne comprenait pas d’où venait cette grande diction théâtrale à la Falstaff, à la Faust ou à la Boris Goudonov, cette vision tragique du monde. Alors cette déclamation l’effraya parce qu’il était devenu évident que personne n’avait signalé la disparition de notre monde, emporté par la fièvre de l’or    et la soif du pétrole, personne ne l’avait raconté de la sorte, personne ne l’avait expliqué de la sorte, parce que nous écrivains-philosophes avions trop parlé du monde, nous scientifiques nous avions fui devant notre propre ordure de plastique (d’injection plastique), d’atome, de digital et d’espace. Et soudain, c’est l’évidence devant ces êtres de cuir tanné, il n’y a pas de plus pitoyable créature que l’homme- et à présent l’un des outils posé sur une des scènes prend son sens, le hasard n’existe pas (cela me rappelle la peau écorchée de Michel-Ange, la façon dont il nous offre sa peau écorchée sur le plafond de La Chapelle Sixtine), cela croît comme le pensait Nietzsche, se dépasse et se déborde... Son néant reçoit une acoustique d’opéra lumineuse.

 

Je me doutais depuis longtemps qu’on ne connaissait rien de la nature de ces créatures de néant qui nous entourent, mouches et crapauds. Il nous suffit de  regarder les tôles de crapaud, les images vives offertes par Josef pour comprendre que nous ne savons rien à cette dimension...(Il est vrai qu’au lieu des mouches et des crapauds, je pourrais parler des souris et des rats, n’oublions pas qu’Einstein disait que si les rats étaient un peu plus grands, ils domineraient le monde).

 

Attendons cependant de voir ce que dit la totalité de la Gesamtkunstwerk de Josef. Parfois, il me semble que le monde n’existe même plus, exception faite de cette    petite boîte de théâtre de Josef, et dedans son plus petit théâtre de marionnettes,      où des créatures croissent à l’infini et nous enseignent quelque chose - attendons   d’en voir la fin, même s’il n’y aura peut-être pas de fin, cet accroissement étant infini, pouvant dire ce qui jusqu’à présent était imprononçable... Et assurément,  si  l’on passe plus de temps parmi ces créatures, il est fatal que nous voyions-remarquions, en dehors de ces postures de prophètes, ces mouvements de pieds et de mains qui dessinent une chorégraphie joyeuse et ironique, exactement la même que celle, géniale, de Josef. On ne peut rêver plus grand geste théâtral que celui-là : Josef a installé la totalité d’une nation écrasée par le rouleau compresseur, la suit joyeusement, la prend en photo, filme des airs, des danses…

 

Traduction du hongrois : Ingrid Keresztes et Bea Gerzsenyi

5 > 10 octobre 2021 

TERRITORY FESTIVAL

Moscou (RU)

 

5 > 17 avril 2022 

théâtre de Lorient

Lorient (FR)

 

 

 

Dates passées :

 

27 août > 1 septembre 2021 

MITTELFEST

Cividale del Friuli (IT)

 

24 novembre – 7 décembre 2019

DESIRE CENTRAL STATION FESTIVAL

SUBOTICA (SRB)

 

14 au 16 novembre 2019

FLOW FESTIVAL

SFANTU GHEORGE (RO)

 

19 au 23 juillet 2019

Kalamata Dance Festival

Kalamata (GR)

30 juillet – 3 août 2019

Festival Paris l’été

Paris (FR)

 

26 avril – 10 mai 2019

La Filature / Galerie d’Exposition

Mulhouse (FR)

 

16-21 avril 2019

Le CENTQUATRE

Paris (FR)

 

27 mars – 6 avril 2019

Charleroi Danse / La Raffinerie

Bruxelles (BE)

 

25 février – 16 mars 2019

LE QUARTZ – SCENE NATIONALE DE BREST / FESTIVAL DANSFABRIK

Brest (FR)

 

30 janvier – 9 février 2019

Le Trident / Le Point du Jour

Cherbourg-en-Cotentin (FR)

 

5-25 janvier 2019

Teatro Nacional São João

Porto (PT)

 

22-27 septembre 2018 (création)

Biennale de la danse de Lyon

Lyon (FR)


Josef Nadj - Dark Union

Dark Union

D’après Canard Pékinois (1987)

 

 

Chorégraphie

Josef Nadj

 

Interprétation

EnKnapGroup – Luke Thomas Dunne (Royaume-Uni), Ana Štefanec Knez (Slovénie), Jeffrey Schoenaers (Belgique), Lada Petrovski Ternovšek (Croatie), Matea Bilosnić (Croatie), Gilles Noël (Belgique)

 

Musiques

Csík zenekar, Alain Mahé, Peter Vogel, Han Bennink

 

Lumières

Jaka Šimenc et Hotimir Knific

 

Costumes

Katarina Škaper

réalisés par Atelje d.o.o.

 

Construction

Španski Borci/EN-KNAP

 

Régisseur général

Jaka  Šimenc

 

Production

EN-KNAP Productions

 

Coproduction

Atelier 3+1

 

Création

Španski Borci Cultural Centre – Ljubljana, Slovénie – 10 avril 2018

 

Durée

65 min

En 2017, Iztok Kovač, directeur artistique du EnKnapGroup invite Josef Nadj à transmettre aux danseurs de la compagnie une partie de sa pièce fondatrice Canard Pékinois (1987). Suite à cette invitation et à sa rencontre avec les jeunes interprètes, Josef Nadj décide d’isoler un des motifs de l’œuvre originale – celui de l’union tragique – et crée une première version de 30 minutes. Après cette expérience réussie, Josef Nadj décide d’approfondir cette rencontre et propose aux danseurs du EnKnapGroup de créer un nouveau spectacle à part entière : Dark Union, d’après Canard Pékinois.

 

Au cœur de Dark Union se raconte l’histoire funeste d’un jeune mariage qui ne pourra vivre que quelques brefs moments de bonheur avant que l’impermanence de la vie ne le rattrape. Avec cette chorégraphie, Josef Nadj évoque toute la mélancolie de cette union malheureuse, devenue presque légendaire dans sa ville natale et dans laquelle deux relations se rencontrent et se dansent : celle d’un homme et d’une femme, et celle de la vie et de la mort.

 

Cette plongée dans les origines de son univers artistique marque aussi la naissance d’un nouveau cycle pour Josef Nadj qui se positionne hors du plateau pour confier sa chorégraphie à de jeunes interprètes.

 

***

 

« Cette pièce symbolise le chemin que j’ai parcouru en tant qu’artiste ; comme une  sorte de machine à remonter le temps. Lorsque Iztok Kovač m’a invité à collaborer avec le EnKnapGroup pour que je transmette une partie de Canard Pékinois aux danseurs de sa compagnie, je n’avais pas prévu de retourner sur la trace de mes débuts artistiques. Sa proposition a éveillé en moi le désir de retrouver la quintessence de mon premier spectacle, avec le temps et la distance des années. En 1987, je racontais une histoire dont j’avais été témoin dans ma ville natale de Kanjiža, celle d’un jeune couple séparé par la mort. C’est un motif cristallisé et intemporel – celui de l’union tragique – que je peins aujourd’hui dans cette nouvelle version qui s’écrit encore et toujours au présent. Ce n’est désormais qu’un fragment d’un ensemble bien plus grand. J’ai parfois l’impression que la pièce elle-même m’appelait pour être relue et que j’y insuffle toute l’expérience et le savoir que j’ai acquis depuis.

Le motif de la pièce est chargé d’une grande force et cela se lit dans le matériau dansé. L’expérience que nous avons réalisée avec le EnKnapGroup est comme un miracle : elle m’a rempli d’une énergie accrue. Et cela, en grande partie, grâce aux remarquables dispositions physiques et mentales des interprètes du EnKnapGroup. C’est ce qui a permis à cette rencontre de fonctionner.».

 

entretien avec Josef Nadj, mars 2018

Dates passées:

 

20-23 juin 2019 – annulé

MC93

Bobigny (FR)

 

4 avril 2019 – annulé

Le Parvis

Tarbes (FR)

 

8 février 2019 – annulé

Le Trident

Cherbourg-en-Cotentin (FR)

 

23 novembre 2018

Desiré Central Station Festival

Subotica (SRB)

 

14 novembre 2018

Zagreb Dance Center

Zagreb (HR)

 

24 octobre 2018

Španski Borci Cultural Centre

Ljubljana (SL)

 

12 octobre 2018

Municipal Theater of PO Hviezdoslav

Bratislava (SK)

 

24 septembre 2018

Španski Borci Cultural Centre

Ljubljana (SL)

 

20 juillet 2018

Dance and Non-verbal theatre festival San Vincenti

San Vincenti (Croatie)

 

14 juillet 2018

Mittelfest

Cividale del Friuli (IT)

 

23 mai 2018

Španski Borci Cultural Centre

Ljubljana (SL)

 

28 avril 2018

Horizont Festival

Miskolc (HU)

 

10-11 avril 2018 (création)

Španski Borci Cultural Centre

Ljubljana (SL)


Josef Nadj - Penzum

Penzum

Conception & interprétation

Josef Nadj, Joëlle Léandre

 

Lumières

Sylvain Blocquaux

 

Costumes

Aleksandra Pešić

 

Masques

Jacqueline Bosson

 

Décor

Julien Fleureau

 

Texte

Attila József

 

Coproduction

Centre chorégraphique national d’Orléans, Atelier 3+1

 

Création

Festival OpenLook – Saint-Petersbourg (Russie), 4 juillet 2017

 

Durée

45 min environ

Penzum : à savoir la somme de travail effectué en une journée, et dont on doit rendre compte. Ce terme apparaît dans un poème non traduit d’Attila József (1905-1937), poète hongrois majeur qui a influencé des générations d’auteurs et d’artistes. Parmi eux, Joëlle Léandre et Josef Nadj. Liés par une fidélité artistique mutuelle, ils ont conçu ce duo pour rendre hommage au poète, neuf ans après leur collaboration sur Sho-bo-gen-zo.

 

Associant chorégraphie, musique et dessin, Penzum procède d’une improvisation. Une œuvre « ouverte », précisent-ils, dont la forme, chaque fois nouvelle, s’écrit sur place au fil d’une écoute réciproque absolue. Penzum peut ainsi être entendu, par extension, comme la performance même : elle témoigne du travail qui permet de transmettre au public l’intensité de l’œuvre d’Attila József. Sa poésie ne cesse d’infuser dans le cœur et l’esprit des deux interprètes. Elle les guide, elle les inspire. Elle leur donne une énergie vitale, elle annonce aussi le destin tragique du poète qui attendra la mort sur des rails. N’entend-on pas s’élever le roulement d’un train ? Ne voit-on pas apparaître une voie ferrée ?

 

A l’image du masque qu’elle arbore sur le visage, Joëlle Léandre produit une matière sonore aux accents métalliques. A ses côtés, Josef Nadj porte un masque africain aux traits féminins et appréhende l’espace en déployant une robe noire. Mais la métamorphose ne se satisfait pas de l’évidence : elle se cache plutôt dans les dessins tracés au charbon comme autant de symboles en puissance. Elle s’incarne aussi dans l’éruption sonore qui s’empare de Josef Nadj, clamant avec force, dans sa langue natale, les mots du poète. Elle se révèle sans doute, enfin, dans une ultime séquence apaisée, si ce n’est rêvée.

 

Josef Nadj et Joëlle Léandre, entretien avec Marylène Malbert

Penzum de Attila József, traduction brute par Josef Nadj

« Ça c’est comme le travail, Penzum.

Ça ne s’arrêtera jamais. Un travail infini, un mouvement infini. Jamais on ne le terminera.

Il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de vérité. Même ça, ce n’est pas ça.

Travailler, tout le temps travailler. Moi je ne travaille pas, le chien ne travaille pas non plus. Les ouvriers travaillent. Qu’ils crèvent. C’est comme ça pour eux.

C’est tellement mauvais que Dieu n’existe pas.

J’ai fait quelque chose de mauvais, peut-être ai-je mangé un papillon.

Cerf

L’abeille ramasse le miel. Est-ce que tout est en proportion par rapport à ce qui m’entoure ?

Lève-toi et marche.

Mon colon est aussi gros qu’un cheval.

Bientôt je dois partir. Il faut que je me montre que je suis quelqu’un, mais moi je n’existe pas. Seuls les autres me voient.

Pour l’instant, j’ai encore mon cou. Le train ne l’a pas encore coupé.

On ne m’a pas coupé non plus la langue.

Mais à qui pourrais-je parler… ?

Ça c’est un point fixe. »

 

Attila József, traduction brute de Josef Nadj, extrait du poème « Les idées libres » (non édité en français)

Penzum vu par Jean-Noël Cuénod - Médiapart

 

« Une performance particulièrement impressionnante, celle du grand chorégraphe Josef Nadj et de sa complice sur scène, la contrebassiste Joëlle Léandre (hier et ce soir à 18 h. au Palace, Périgueux). Elle a pour titre Penzum. Le visage dissimulé par une sorte de masque africain, revêtu d’une robe noire de tulle faisant apparaître son corps blanc et musclé, Nadj prend possession d’un grand écran de papier sur lequel il dessinera au moyen d’un morceau de charbon. A ses côtés, la contrebassiste arbore un masque en aluminium d’aspect féminin. Le reste de sa tenue est neutre. Mais c’est elle, avec son instrument utilisé en mélodie ou en percussion, qui va dicter sa loi au danseur. Présence d’autant plus oppressante qu’elle est discrète.

[...]

Comme dans toutes les oeuvres d’art authentiques, on peut trouver dans Penzum de Josef Nadj bien d’autres significations que celles retenues par l’auteur. Cette performance musicale-chorégraphique-plastique évoque aussi l’origine des humains, la Grande Origine, l’époque mythique d’avant la différenciation des sexes, d’avant la séparation d’avec l’animal, lorsque l’homme-femme ne faisait qu’une âme-chair avec l’univers.

Afin de laisser tous ses effets à la surprise, nous ne dévoilerons pas la fin car ce spectacle tournera encore dans d’autres contrées. Elle est émouvante et sublime, cette fin. Disons que l’humain y apparaît dans toute sa splendeur animale. »

 

Cuenod - MEDIAPART - 26 juillet 2017

Penzum vu par Thomas Hahn - Danser Canal Historique

« Qui saurait dire si, dans un spectacle de Josef Nadj, un personnage appartient pleinement à lui-même ? Qui saurait même définir si la présence de Nadj dans Penzum vise la création d’un personnage ? Et si personnage il y a, c’est sans doute dans un ailleurs mental qu’il faut l’imaginer. Penzum, première création de Nadj depuis son départ du CCN Orléans (aujourd’hui dirigé par Maud Le Pladec), évoque le passage, inlassablement. Qui est ici homme, qui est femme ? Qui voudrait ranger tel geste ou tel mouvement de Penzum dans la case geste chorégraphique, geste musical ou geste pictural ? Ici l’un transcende l’autre, de bout en bout.

[...]

Joëlle Léandre, qui a croisé au cours de sa carrière Cage, Cunningham, Monnier et autres Nadj (ce fut en 2008 pour Sho-bo-gen-zo) créé une musique, et même des instruments, qui jouent des effets de matière et d’arts plastiques, balayant au passage la moindre certitude de l’oeil et de l’ouie. Si le duo porte des masques - où elle se drape d’une seconde peau argentée et lui de sculpture, en dur et d’inspiration africaine - c’est pour mieux partir vers les horizons enfouis d’une conscience chamane.

[...]

Le passage est réussi, sa première oeuvre post-CCN est née, dans un retour aux sources littéraires et linguistiques. Penzum est une petite forme, un nouveau départ. »

 

Thomas Hahn - DANSER CANAL HISTORIQUE - juillet 2017

Penzum vu par Annie Yanbékian - Culturebox

 

D’Jazz Nevers a proposé une soirée en deux parties pleine d’audaces, marquée du sceau de la création contemporaine dans ce qu’elle offre de plus libre, moderne, voire désarçonnant, mardi à la Maison de la Culture de Nevers, à quelques pas des bords de Loire. Commençons par la première partie, "Penzum" : une musicienne et un chorégraphe, Joëlle Léandre et Josef Nadj, inspirés par un poète rebelle.

Pour "Penzum", créé à Saint-Pétersbourg en juillet 2017, le danseur et chorégraphe serbe Josef Nadj et la célèbre contrebassiste de jazz Joëlle Léandre se sont inspirés de textes du poète hongrois Attila József (1905-1937), dont le poème "De l’air !" fut repris en 1956 lors de l’insurrection contre la tutelle soviétique. Le jeune poète mourut tragiquement à 32 ans, écrasé par un train.

 

D’entrée de jeu, on est intrigué. Au centre de la scène, une petite table de percussions et un grand écran blanc. Près de la table, une silhouette vêtue de noir, visage caché par un grand masque en aluminium. On n’en est pas encore tout à fait sûr, mais c’est Joëlle Léandre.

Inversion de genres

À trois mètres, surgissant de derrière l’écran immaculé, un bras nu et au bout, un éventail qui s'agite. C’est Josef Nadj. Bientôt, il se poste devant l’écran et entame une étrange chorégraphie, comme un cérémonial venu d'Asie. Si la musicienne arbore une tenue et un masque masculins, le danseur, lui, s'est habillé d'une longue robe noire au large décolleté. Et il porte un masque africain aux traits féminins. Les genres sont inversés.

 

Alors que Joëlle Léandre, désormais à la contrebasse, extirpe des sons dissonants à l’aide de son archet, Josef Nadj, un temps accroupi, se relève, muni d’une longue lance dont le bout a été enduit de charbon noir. Dos tourné au public, le geste sûr, il trace un premier dessin, abstrait, sur l’écran. Puis, refaisant face à la salle, il enchaîne des gestes saccadés avant de reprendre son ouvrage graphique.

 

Accroupi près de l'écran, il dessine cette fois un tabouret noir. Avec l’ajout de motifs simples, le siège se mue en cerf aux bois ressemblant à des branches. Tournant le dos à l’écran, de ses mains nues enduites de charbon, à l’aide de gestes amples, il enrichit l'ouvrage qui prend de l'ampleur derrière lui. Au bout d’un moment, on croit deviner un arbre…

 

Entre-temps, un chant aigu a surgi, entêtant, sans paroles, prenant l'ascendant sur la contrebasse. Funeste présage ? De sa voix lyrique, Joëlle Léandre accompagne son partenaire qui enchaîne au sol des figures bras et jambes synchronisés. La contrebasse ne joue plus qu’une note. Le danseur entame un monologue rageur qui, à nos oreilles francophones, résonne comme une suite d’onomatopées. En fait, il récite des mots d'Attila József, alors que la musicienne, mailloches aux mains, tape sur la tablette et la contrebasse. Bientôt, l'homme à la robe noire disparaît derrière l’écran. Il semble se réincarner dans le cerf qu’il avait dessiné : des bois imposants, puis une tête d’animal, surgissent au-dessus de l’écran, surplombant la scène. Contemplant l'horizon, l'homme devenu cerf dessine un cercle noir sur l’écran avant de rejoindre sa partenaire...

Un cri mêlant musique, danse et arts graphiques

"Penzum", une œuvre, un cri, englobant musique, arts graphiques et une danse qui rappelle le butô japonais, exige une ouverture d’esprit et un abandon total à l’idée d’être surpris, voire dérouté, si l'on ne possède pas les grilles de lecture et de décryptage des symboles d'une œuvre imprégnée d'abstraction.

 

À la fin, les applaudissements sont d’abord timides, puis ils gagnent en vigueur. Le public a été certainement décontenancé mais il n’en salue pas moins la performance, la volonté de sortir du confort ronronnant. Après le spectacle, les artistes reconnaîtront tout de même que pour ce genre de performance, pour une meilleure interaction avec le public, ils se seraient sentis plus à l’aise dans une salle de dimension plus petite, plus intime.

 

Annie Yanbékian - Culturebox - 15novembre 2017

Disponible en tournée.

 

 

Dates passées :

 

13-15 mars 2019

Pavillon Noir

Aix-en-Provence (FR)

 

20-21 juillet 2018

Kalamata Dance Festival

Kalamata (GR)

 

4-5 juin 2018

Festival La Voix est libre – Lavoir Moderne Parisien

Paris (FR)

 

26 janvier 2018

Mac Orlan – Désordre Festival

Brest (FR)

 

2 décembre 2017

Desiré Central Station Festival

Subotica (SRB)

 

14 novembre 2017

Festival D’jazz Nevers

Nevers (FR)

 

25-26 juillet 2017

Festival Mimos

Périgueux (FR)

 

9-10 juillet 2017

Festival KoresponDance

Zdar Nad Sazavou (CZE)

 

4-5 juillet 2017

Festival Open Look

Saint Petersbourg (RU)


Josef Nadj - Inhancutilitatem - Cynaotypes

Inhancutilitatem

Une série de cyanotypes de Josef Nadj

 

C’est en s’intéressant aux travaux précurseurs de la photographie de sir John Herschel et de William Henry Fox Talbot que la botaniste anglaise Anna Atkins utilise, pour la première fois, la technique primitive du cyanotype qui lui permet alors de documenter les feuilles et les fleurs des plantes qu’elle étudie. Nous ne sommes pas encore au milieu du XIXe siècle. Ces photogrammes sont obtenus sans système optique, en exposant sans intermédiaire l’objet à la lumière. Il suffit d’apposer simplement les spécimens végétaux entre le papier sensible et la source lumineuse, grâce à un processus d’impression qui a la particularité de donner des tirages monochrome d’un bleu sombre, d’une intense richesse visuelle.

 

L’été dernier [2015], en étudiant « la préhistoire » de la photographie, Josef Nadj découvre ces empreintes végétales aux nuances bleutées et décide de reprendre l’histoire là où elle s’était arrêté. Soit, à quelques exceptions près (Man Ray, Moholy-Nagy…), avec Atkins elle-même. Chaque nuit il se lève, bien avant le lever du jour, et part visiter les jardins publics, arpenter les rives de la Loire, les chemins de halage, pour se mettre en quête des espèces végétales qui l’interpellent sur son passage.

Ce retour aux sources de la photographie s’accompagne d’un fertile retour à la nature, d’une joyeuse célébration panthéiste, d’une expérience cardinale toujours à approfondir. Un jeu avec les états de la matière qui, en combinant les fibres, les lignes et les motifs, figure de nouvelles formes de vie. Dans ce bleu profond, quasi-mystique, qui dessine des ciels nouveaux entre bleu cyan et bleu de Prusse, Giotto et Yves Klein, c’est aussi à un rituel de passage entre deux mondes que l’on assiste, vient s’y éployer un lieu intériorisé, ni vraiment ici, ni tout à fait ailleurs, qui accompagne le mouvement de l’existence et dessine, chemin faisant, pour le chasseur-cueilleur comme pour le spectateur, un entêtant objet de méditation.

 

Jean-François  Ducrocq

Inhancutilitatem vu par Tiphaine Calmettes

Au CCN d’Orléans puis au Collège des Bernardins (Paris), le chorégraphe Josef Nadj expose ses cyanotypes. L’exposition Inhancutilitatem s’offre comme la première pièce d’un grand projet artistique qui se définit comme une quête du paradis perdu, un retour vers les origines du geste créateur. Mais également comme une étape fondamentale dans la carrière de cet artiste prolixe.

Dans la salle d'entrée du CCN d’Orléans, qui sert régulièrement de lieu d'exposition, des cyanotypes floraux bleus sont accrochés. Ils ont été réalisés par Josef Nadj, chorégraphe et directeur du lieu depuis 1995. Avant de choisir la danse, l’artiste a appris le graphisme, la composition plastique, les rythmes formels. Il n'a jamais cessé de dessiner bien au contraire, il s'amuse à changer de medium comme à découvrir de nouvelles techniques. Depuis quelques temps il se laisse aller à des expérimentations de procédés photographiques anciens, comme une quête de l'origine.

Il se fascine alors pour le bleu profond du cyanotype, « couleur de l'infini de l'espace ». Ce procédé consiste à recouvrir un support d'un mélange de produits photosensibles, poser un objet dessus et l'exposer à des rayons ultra-violets comme pour les photogrammes. Le produit n'ayant pas été exposé est éliminé à l'eau courante et révèle, en dégradé de teintes, la trace de l'objet exposé. Josef Nadj nous raconte qu’il a récolté un peu partout, au gré de ses promenades, les plantes ici exposées. Il les a choisies avec attention selon leurs qualités graphiques et les dispose de manière à créer une concentration rythmique : du mouvement. Cela fait un an qu'il dit « être dans cette folie ». « Tout est végétal » poursuit-il. Avec les plantes, Josef Nadj dessine l’image d’un paradis perdu, part à la recherche d’une harmonie à entendre et sur laquelle s’appuyer.

 

[...]

 

Tiphaine Calmettes, Mouvement, 20 juillet 2016

Disponible en tournée.

 

 

Expositions passées :

 

17 janvier – 28 mars 2020

Fragments d’un paradis – Exposition collective

Galerie Camera Obscura 

Paris (FR)

 

4 octobre 2019 – 5 janvier 2020

Au Revoir ! – Les photographes d’origine hongroise en France – Exposition collective

Musée historique de Budapest 

Budapest (HU)

 

7 – 10 novembre 2019

Paris Photo – Exposition collective

Galerie Camera Obscura

Paris (FR)

 

30 juin – 3 novembre 2019

Flora Maxima – Exposition collective

Domaine de Kerguéhennec

Bignan (FR)

 

8 – 11 novembre 2018

Paris Photo – Exposition collective

Galerie Camera Obscura

Paris (FR)

 

7 septembre – 20 octobre 2018

Flores – Exposition collective

Galerie Camera Obscura

Paris (FR)

 

13-22 juillet 2018

Kalamata Dance Festival

Kalamata (GR)

 

22 mars – 29 mai 2018

Miraculorum

Galerie Camera Obscura

Paris (FR)

 

17 mai – 1er juillet 2017

Les Fragments d’un discours à venir

Maison des arts de Grand Quevilly

Grand Quevilly (FR)

 

18 novembre 2016 – 15 janvier 2017

Musée des Beaux-Arts

Orléans (FR)

 

21 juillet – 18 septembre 2016

Collège des Bernardins

Paris (FR)

 

29 avril – 29 juin 2016

Centre chorégraphique national

Orléans (FR)


Josef Nadj - Dolores

Pour Dolores

Conception, compositions et interprétation

Josef Nadj et Ivan Fatjo

 

Lumières

Christian Scheltens

 

Mise en son

Steven Le Corre

 

Construction des décors et accessoires

Julien Fleureau, Clément Dirat et Olivier Berthel

 

Production

Centre chorégraphique national d’Orléans

 

Soutien

Résidence Sainte-Cécile – Orléans

 

Création

Centre Chorégraphique d’Orléans, 27 mai 2015

 

Durée

50 min environ

Á l’origine de Pour Dolores, l’apparition d’un visage de femme, d’une présence silencieuse, énigmatique, mais insistante, émanant tout entière d’un masque ancien en carton peint, teint mat, traits à la serpe, cheveux noirs lissés en accroche-cœur sur les tempes, lèvres rouges, regard oblique. Et, à partir de cette rencontre fortuite sur un marché aux puces, comme un appel, une injonction : savoir qui est Dolores, lui donner corps et la découvrir derrière ce masque de femme.

Josef Nadj a choisi de se référer pour cette quête au mouvement Fluxus et de travailler une fois encore par la figure du double. La nouvelle création de Josef Nadj avec Ivan Fatjo se présente ainsi comme un cycle de miniatures gestuelles, visuelles et musicales au nombre de 24, comme les heures du jour.

Pour Dolores par Myriam Bloedé

À l’origine de Pour Dolores, l’apparition d’un visage de femme, d’une présence silencieuse, énigmatique, mais insistante, émanant tout entière d’un masque ancien en carton peint, teint mat, traits à la serpe, cheveux noirs lissés en accroche-cœur sur les tempes, lèvres rouges et regard oblique. Cette rencontre fortuite sur un marché aux puces et la trouvaille elle-même suscitèrent chez Josef Nadj comme un appel, une injonction : savoir qui était “Dolorès”, lui donner corps, la découvrir derrière ce masque de femme.

 

Réalisant ainsi un projet qui le poursuit depuis de nombreuses années, le chorégraphe a choisi de se référer pour cette quête au mouvement Fluxus. Né dans les années 1960, ce collectif d’artistes – musiciens avant tout, mais aussi plasticiens et écrivains – qui fût, avec d’autres, mais plus radicalement peut-être, à l’origine de la performance, prônait la continuité entre l’art et la vie, et envisageait la création comme un vaste champ d’expériences auquel peuvent concourir toutes les disciplines artistiques. Parmi leurs expérimentations, Nadj s’est intéressé tout particulièrement à celles qui valorisaient la brièveté et la simplicité, l’ordinaire, qui reconsidèrent l’environnement et les objets avec toutes leurs propriétés, matière, structure, mais aussi les interactions de l’homme avec ce qui l’entoure – afin de modifier la perception, de mettre en question les idées reçues, de bousculer les usages et de faire surgir du chaos de nouvelles harmonies. En particulier, dans l’esprit Fluxus, chaque action humaine, chaque chose peut générer un son et tout objet, quel qu’il soit, peut être “joué”. Mais aussi chaque son peut être entendu comme une musique.

 

Travaillée une fois encore par la figure du double, la nouvelle création de Josef Nadj, en duo avec Ivan Fatjo, s’inscrit dans le prolongement de ses plus récents spectacles, Ozoon (2013) et Paysage inconnu (2014), en particulier. Car, si la musique a toujours constitué un élément de composition essentiel dans l’oeuvre scénique de Nadj, la recherche d’une convergence, de l’union la plus étroite possible, voire d’une véritable fusion entre musique et danse, fut l’un des enjeux majeurs de ces pièces créées avec la collaboration du saxophoniste Akosh Szelevényi et du batteur Gildas Etevenard.

 

D’une certaine manière, avec Pour Dolores, Josef Nadj et Ivan Fatjo sont passés “de l’autre côté” : les musiciens ont déserté le plateau, tandis que la “musique”, omniprésente dans le spectacle, dépend désormais des actions des danseurs. Et, si l’on note la présence dans la pièce d’un piano à queue, d’un cor de chasse et d’un violoncelle avec deux archets, il y a aussi, pour faire naître cette musique, des instruments chirurgicaux, une plaque de métal, massive, imposante, une tige longue et mince, un ballon de baudruche, des brins de chanvre, un casque en cuivre, un grelot, un buste de Socrate qui se reflète dans un miroir ovale ou les dents d’un loup empaillé… Tout l’espace vibre et résonne, pourtant les touches n’actionnent pas les marteaux qui ne frappent pas les cordes du piano, celles du violoncelle ne sont ni pincées ni frottées et aucun souffle ne traverse le cor. Paradoxalement, dans cette création pour la scène, les dimensions visuelles et sonores ont, pris le pas sur celles qui relèvent du théâtral et du chorégraphique. Placé sous le régime de la patience, de l’attention, de l’obstination dans la recherche, Pour Dolores se présente ainsi comme un récital, avec au programme un cycle de miniatures gestuelles, visuelles et musicales – au nombre de 24, comme les heures du jour. Un récital dédié à une femme anonyme, une certaine Dolores.

 

Myriam Bloedé

Pour Dolores par Thomas Hahn

Approchant la fin du processus de création, le nouveau duo de Josef Nadj et Ivan Fatjo s'annonce fascinant.

Ça s'est annoncé lors de leur création précédente, ce Paysage inconnu aux accents de Freejazz. La complicité entre Josef Nadj et Ivan Fatjo se bonifie de création en création, se structure, se dépouille et gagne en intensité. À chaque traversée, les paysages intérieurs se font plus aventuriers, plus complexes et deviennent pourtant plus lisibles. Pour Dolorès est aussi limpide et ludique que complexe et jouissif, fascinant et émouvant.

Après avoir dissimulé leurs visages sous un filet dans Paysage inconnnu, Nadj et Fatjo passent au masque plein. Leurs visages figés, aux yeux exorbitants, sont aussi innocents que malicieux, dans un mélange de douceur et de détermination. Nadj a acheté ce masque aux puces et on comprend aisément sa fascination pour son expressivité mystérieuse et mélancolique, où se dessinent étonnement, douleur, choc, doute, force et sensibilité à la fois, annonçant une blessure universelle mal cicatrisée tel un Weltschmerz, cette blessure d'être au monde.  Ensuite, ils ont créé à ce masque un double "qui regarde dans l'autre sens", comme seule différence.

 

Sculptés dans le bois, ces traits relèvent autant du Guignol que de l'expressionnisme, du Nô que du Manga. Une passion silencieuse s'en dégage qui contraste avec les corps angulaires, vêtus du costume de ville noir que Nadj a imposé comme son emblème et seul habit possible. La mélancolie, déjà sujet dans ATEM (Le Souffle), n'est pas un état d'âme très bruyant. D'où un dosage très économe des gestes musicaux, avec un piano de concert comme tremplin sonore. S'y ajoute ce langage gestuel typique, fait de ruptures et de résistances qui veut qu'on croit apercevoir dans les traits subtilement expressifs du masque une sorte de caricature de Josef, si jamais il lui venait à l'esprit de se grimer en femme.

 

Fatjo s'étant approprié le langage corporel de Nadj, leur complicité produit un effet de miroir. Chacun se reflétant dans son alter ego, un effet de dédoublement s'ajoute au brouillage des identités sexuées. Mais Pour Dolorès joue avant tout sur l'ambiguïté entre innocence et cruauté. Les deux frères jumeaux sont comme des enfants, poussés par une curiosité naturelle pour explorer les corps, objets et sons qui les entourent.

On joue au chirurgien, on enfonce des aiguilles ou des seringues où on peut, on dissèque les cordes du violoncelle, on commet des atrocités métaphoriques sans s'en apercevoir. L'innocence enfantine ne fait que renforcer le mystère. Nadj et Fadjo nous ramènent ici vers l'enfance, autant que dans l'univers de l'expressionnisme et des films d'horreur. Leur gestuelle prolonge à merveille la gravure sur bois du masque. Et nous ne serions pas dans l’univers de Nadj si la construction des personnages ne passait pas par de petits accents d'animalité, qui surgissent chez lui avec le naturel que l'on sait.

 

Pour Dolorès renégocie les identités sur plusieurs carrefours, mais la complexité de la construction se double d'une simplicité absolue dans la lecture, ce qui ne permet qu'une seule conclusion: On touche ici, profondément, à quelques éléments-clés du psychisme humain. Donné en avant-première au CCN d’Orléans et ensuite aux Bouffes du Nord à Paris, en avant-première dans le cadre du festival La voix est libre, ce nouveau duo en est presque à sa forme définitive et semble s’annoncer comme une belle possibilité de proposer des formules à géométrie variable, très adaptable aux espaces et aux circonstances.

 

[...]

 

Thomas Hahn – Danser Canal Historique

Dates passées :

 

6 février 2016

Teatro Municipal Joaquim Benite

Almada (PT)

 

4 décembre 2015

Théâtre de la tête noire

Saran (FR)

 

9 octobre 2015

Emmetrop

Bourges (FR)

 

30 mai 2015

Festival La Voix est libre

Paris (FR)

 

27-29 mai 2015

Centre Chorégraphique National d’Orléans

Orléans (FR)


Josef Nadj - Paysage inconnu

Paysage inconnu

Conception

Josef Nadj

 

Interprétation

Josef Nadj, Ivan Fatjo

 

Musique et interprétation

Akosh S., Gildas Etevenard

 

Lumières

Christian Scheltens

assisté de Lionel Colet et Matthieu Landré

 

Mise en son

Jean Philippe Dupont

 

Construction des décors et objets scéniques

Julien Fleureau et Clément Dirat

 

Production

Centre chorégraphique national d’Orléans

 

Coproduction

Secretaría de Cultura del Gobierno del Estado de Jalisco dans le cadre du Festival Internacional de Danza Contemporánea Onésimo González, Guadalajara – Mexique, L’Odyssée, festival Mimos, Institut National des arts du mime et du geste de Périgueux.

 

Soutiens

DRAC Centre, Ville d’Orléans, Résidence Sainte Cécile (Orléans)

 

Création

Centre Chorégraphique d’Orléans, 17 mai 2014

 

Durée

55 min

Créé loin de toute référence littéraire ou artistique, Paysage inconnu se fonde sur un travail d’improvisation au long cours, poussé jusqu’à l’épuisement. La notion de paysage y est entendue au sens métaphorique, c’est-à-dire en tant que paysage intérieur, un paysage mental, infiniment changeant comme l’est la vie même, et toujours à redécouvrir. Cependant l’exploration de ce territoire est une aventure collective qui vise à rechercher, au-delà de la parole, un “autre langage commun”. Une aventure travaillée par deux motifs essentiels : la figure du double tout d’abord, comprise aussi bien dans la ressemblance que dans la complémentarité, s’impose d’emblée dans la co-présence et la dissémination sur le plateau des deux danseurs et des deux musiciens ; dans la relation entre le geste et le son, la musique et la danse. Mais aussi dans le jeu d’oppositions entre vitesse et lenteur, amplitude et retenue, suspens et activité, rigidité et élan, présence et absence, obscurité et blancheur, tragique et burlesque, joie et mélancolie… Étroitement noué à cette figure du double, le principe de transformation, d’alternance ou encore de passage, de seuil à franchir, constitue le deuxième motif de Paysage inconnu. Présent dans l’incessante métamorphose, aussi subtile soit-elle, d’un paysage inconnaissable pour cette raison même, ce principe est ici mis en regard avec le cycle de la vie, c’est-à-dire du passage ,justement des limbes à la vie, puis de la vie à la mort, au néant, et à nouveau à la vie.

 

Paysage inconnu est donc une sorte de danse macabre, une vanité dont la dimension introspective ou méditative est constamment “menacée” par l’humour, la dérision, le grotesque, l’ironie.

 

Myriam Bloedé

Paysage Inconnu vu par Myriam Bloedé (version longue)

Comment parler d’une apparition autrement que sous l’angle temporel de sa fragilité, là où elle replonge dans l’obscur ? Mais comment parler de cette fragilité même autrement que sous l’angle d’une plus subtile ténacité, qui est force de hantise, de revenance, de survivance ?

Georges Didi-Huberman

 

S’il fallait, à propos de ce quatuor, évoquer un paysage réel, ce serait sans doute celui de la Pannonie, cette plaine qui se joue des frontières instituées par les hommes et s’étend ininterrompue sur des kilomètres carrés, avec ici et là un oiseau en surplomb, un arbre comme une silhouette esseulée ou l’éclat d’un coquelicot qui ponctuent et renforcent encore, par contrepoint, l’immensité jaune verte des herbes hautes ployées par le vent. Ce pourrait être aussi la représentation de cette plaine sans limite, à laquelle toute sa vie s’est employé le peintre Tihamér Dobó. Lui qui, selon Josef Nadj, voyait là une impossibilité… à moins d’en passer par le simple tracé d’une ligne horizontale avec, ici et là, « quelques accents ».

 

Mais c’est plutôt au point précis où Dobó jugeait ce paysage irreprésentable que s’inscrit cette nouvelle création. Et c’est peut-être précisément l’impossibilité de le peindre, d’en fixer l’image qui en est le sujet : à savoir, l’opposition entre son absence de relief, son immuabilité apparente et son incessante transformation, quand bien même celle-ci échapperait au regard.

 

En effet, au-delà de la région où sont nés Josef Nadj et Akosh Szelevényi – de part et d’autre d’une frontière justement –, au-delà de cette langue maternelle et de cette culture hongroise qu’ils ont en partage et au-delà du « décor » qui constitue l’arrière-plan de leur duo Les Corbeaux (2010), par exemple, ou du trio Paysage après l’orage (2006) avec Gildas Etevenard, la notion de paysage est entendue cette fois au sens métaphorique, c’est-à-dire en tant que paysage intérieur, un paysage mental, infiniment changeant comme l’est la vie même, se modifiant au gré des événements, des rencontres, au fil de l’expérience, et toujours à redécouvrir.

 

Paysage inconnu a été créé loin de toute référence littéraire ou artistique. Cependant – et c’est un autre aspect remarquable dans cette pièce qui se fonde sur un travail d’improvisation au long cours, poussé jusqu’à l’épuisement –, l’exploration de ce territoire est une aventure collective : la recherche, au-delà de la parole, d’un « autre langage commun ». Une aventure travaillée par deux motifs essentiels, déjà présents il est vrai dans d’autres pièces de Josef Nadj.

 

Il y a d’une part la figure du double, comprise aussi bien dans la ressemblance que dans la complémentarité, qui s’impose d’emblée dans la composition du groupe et de la pièce elle-même : dualité et similitude dans la co-présence et la dissémination sur le plateau des deux danseurs Josef Nadj et Ivan Fatjo, et des deux musiciens Gildas Etevenard et Akosh Szelevényi ; dans la relation entre le geste et le son, entre la musique et la danse ; dans l’importance également donnée aux gestes des musiciens et aux sons produits par les danseurs. Mais aussi dans l’évolution constante de ce « paysage » visuel et sonore, dans le travail du rythme et dans le jeu d’oppositions entre vitesse et lenteur, amplitude et retenue, suspens et activité, rigidité et élan, présence et absence, obscurité et blancheur, tragique et burlesque, joie et mélancolie…

 

Étroitement noué à cette figure du double, le principe de transformation, de mutation, d’alternance ou encore de passage, de seuil à franchir, constitue le deuxième motif de Paysage inconnu. Passage du feu aux cendres, de l’énergie à l’inertie, du rougeoiement des braises à la noirceur d’un tronc calciné, de la nuit au jour, de la similitude à la différenciation du double. Et incessante métamorphose, aussi subtile soit-elle, d’un paysage inconnaissable pour cette raison même.

 

Mais de manière plus générale, l’idée de transformation est mise ici en regard avec le cycle de la vie – un cycle qui embrasse aussi bien des états intermédiaires comme la genèse, la gestation, et la mort, et qui serait passage justement des limbes à la vie, puis de la vie à la mort, au néant, et à nouveau à la vie.

 

Ainsi, dans un dispositif frontal, un espace vide avec quelques éléments épars, Paysage inconnu est une sorte de danse macabre, une vanité dont la dimension introspective ou méditative est toutefois constamment « menacée » par l’humour, la dérision, le grotesque, l’ironie.

 

Myriam Bloedé

Paysage Inconnu vu par Marie-Christine Vernay

Musiciens artificiers, danseurs, acrobates… La rencontre de Périgueux étend l’aire de jeu du mime et offre la dernière création du chorégraphe Josef Nadj.

 

Le festival Mimos, créé en 1983 à Périgueux, géré depuis 2000 par l’Odyssée, scène conventionnée et dirigée par Chantal Achilli, peut se vanter d’avoir un public large, familial et fidélisé. L’an dernier, plus de 60 000 spectateurs ont assisté aux spectacles in et off de 250 artistes. Mieux que le Tour de France, qui ne fit qu’y passer dare-dare, le festival transforme la ville pendant une semaine.

 

(…)

 

Fort heureusement, les gestes ne manquent pas à Mimos, en témoigne la toute récente création de Josef Nadj, Paysage inconnu, quatuor pour deux danseurs (dont lui-même) et deux musiciens.

 

Ce n’est pas la première fois que le danseur, directeur du Centre chorégraphique national d’Orléans, s’en retourne chez lui, le chez-lui hongrois de son enfance, à Kanjiza en Voïvodine (province autonome de Serbie, ex-Yougoslavie). Muni de trois passeports - un français, un serbe, un hongrois -, Nadj ne cultive pas l’attachement patriotique. Après Journal d’un inconnu et Paysage après l’orage,solos autobiographiques, il part une nouvelle fois sur ses propres traces, pour n’y découvrir qu’un effacement gris, un tableau abstrait, contredit par quelques éléments très choisis d’un sobre décor : un arbre tronqué et calciné, une vieille baignoire et des seaux en métal, un tableau, une cage rouillée qui sert d’instrument de musique.

 

De la musique composée par Akosh Szelevényi et Gildas Etevenard à la danse de Josef Nadj et d’Ivan Fatjo, il n’y a aucune délimitation, aucune séparation. De la même façon, le travail plastique - le chorégraphe est aussi dessinateur et plasticien (3) - est sur le même plan que le chorégraphique. La circulation entre musique et danse est ininterrompue, le jeu entre les deux sur un même terrain, où l’effacement permet de tout petits reliefs sonores ou physiques. Le chorégraphe évoque comme terre souterraine au spectacle la Pannonie, «cette plaine qui se joue des frontières instituées par les hommes, et s’étend, ininterrompue, sur des kilomètres carrés, avec ici ou là un oiseau en surplomb, un arbre comme une silhouette esseulée ou l’éclat d’un coquelicot, qui ponctuent et renforcent encore, par contrepoint, l’immensité jaune verte des herbes hautes ployées par le vent».

 

Cette plaine est l’aire de jeu et le son du coquelicot dans la musique. Les interprètes gémellaires ne se différencient guère de deux épouvantails. Ils ont même gommé leur visage, la tête dissimulée dans des bas à la manière des braqueurs. Ils sont potes, ils rient ensemble et papotent comme des hiboux perchés dans un grenier. Ils boivent aussi, généreusement, maculant de traces blanches le tableau noir et sa ligne d’horizon immobile, avant de casser leurs verres. Ils en viennent parfois aux mains, comme de vieux lascars, en hommage discret à Toni Kovacs, ancien lutteur devenu sculpteur.

 

Canard.

Dans ce Paysage inconnu, on se reconnaît pour avoir feuilleté l’album poétique imagé de l’artiste, depuis ses premières pages gastronomiques avec un surprenant canard pékinois en 1987. Finalement, on est chez soi dans son chez-lui, jamais clos ni nostalgique. On aime bien ses bonshommes, mal dégrossis, grotesques, terreux, qui dansent pour conjurer les mauvais sorts, et surprennent par l’élégance insoupçonnée d’une main.

 

Tout autre univers, ce qui confirme l’infinie variété des gestes au répertoire extensible des arts du mime, avec Face Nord, de la compagnie Un loup pour l’homme. Là encore, il s’agit d’un quatuor masculin, plus acrobatique et plus en force. S’escaladant les uns les autres, les quatre de cordée, dont deux fiables porteurs, ont fait de la scène un ring de plein air pour un combat tout doux, où le groupe cherche de nouveaux équilibres, de nouvelles architectures pour tenir bon ensemble, voûtes, éventails. Chaque moment est une aventure sensationnelle, souvent très drôle. Il ne manque plus à ces quatre séduisants jeunes gens qu’à écrire le spectacle, livré pièce par pièce. Mais tout est là pour que cela advienne.

 

(…)

 

Marie-Christine Vernay - Libération 31 juillet 2014

Paysage Inconnu vu par Rosita Boisseau

Le chorégraphe présente « Paysage inconnu » au festival Temps d'Images, au Centquatre, à Paris

 

Des ronds pour les yeux, le nez et la bouche. La boule de neige projetée sur l'écran du spectacle Paysage inconnu, chorégraphié par Josef Nadj, a tout d'un masque enfantin dont les traits s'effacent et se recomposent au gré d'un coup de vent. Cette image mouvante, qui effeuille les couches de peau du visage, ouvre une performance féroce sur l'identité et la défiguration.

Vite classée, cette vision faussement douce de l'humain ! Place à des pantins cassés qui poussent leur squelette devant eux. A l'affiche du festival Temps d'Images, au Centquatre, à Paris, Paysage inconnu est une danse macabre telle que sait les conduire Josef Nadj, chef de parade incontesté en la matière. Depuis près de trente ans, le directeur du Centre chorégraphique d'Orléans démonte la mécanique humaine sans jamais en venir à bout.

 

CRÉATURES SIMIESQUES

 

Exit donc le visage, cette carte intime de la personne lisible par tout un chacun ! Cagoulés d'un collant, les deux protagonistes du spectacle ont perdu toute humanité pour devenir des grimaces en costards noirs, des rictus sur pattes, corps coupés qui continuent de gesticuler. Cette astuce permet de trancher net les habitudes physiques pour sortir de ses gonds et ouvrir la porte à des créatures simiesques, affolantes de liberté et d'absurdité.

Soumise à des déflagrations qui les ravagent, la drôle de paire (Ivan Fatjo et Nadj lui-même) – le thème des jumeaux et du double est cher à Nadj –, se mord le nez tout en faisant copain-copain comme les meilleurs des frères ennemis.

Pour réussir cette bascule irréductible dans l'inconnu, Josef Nadj a mis au point un piège, une cage de sons qui transpercent les danseurs sans répit. Deux musiciens (Akosh Szelevényi et Gildas Etevenard, coauteurs de la pièce) et une batterie d'instruments, en majorité des percussions, balancent un feu nourri de stridences, frappes, barrissements, cris, pas loin de l'électrochoc permanent. Un conditionnement absolu pour ne plus se reconnaître et affronter ses fantômes, voire ses monstres.

 

SAS ÉLECTRIQUE

 

Cette charge très free jazz donne parfois la sensation d'être la fibre même des interprètes, leur voix et leur langue. Elle transforme le plateau, peu fourni en accessoires contrairement à la plupart des spectacles de Nadj, en un sas électrique.

Paysage inconnu affirme la spécificité du style de Josef Nadj, né en 1957 en Voïvodine (en ex- Yougoslavie), dont la culture originelle tatoue en profondeur le travail. Son corps passé au crible de la lutte et du football, du service militaire (quinze mois en Bosnie-Herzégovine), puis du théâtre, à Budapest, enfin du mime et de la danse, à Paris, est martelé par ses différentes techniques.

Plus proche d'un théâtre du geste que d'une écriture chorégraphique proprement dite, sa façon de se jeter sur scène tord le corps au bord d'une chute toujours annoncée, toujours momentanément différée. Parallèlement, sa formation aux Beaux-Arts et sa double vie de plasticien trouvent aussi dans la pièce une place fine comme une incise : il suffit de trinquer avec des verres remplis de farine pour peindre à l'arrache une toile d'un soir.

A sa façon furieuse, Paysage inconnu fait écho au seul solo chorégraphié et interprété par Nadj en 2002, intitulé Journal d'un inconnu. Il signe plus de dix ans après un nouvel autoportrait en biais, tout aussi énigmatique. Quête de soi en cours.

 

Rosita Boisseau – Le Monde - 24 septembre 2014

Dates passées :

 

4 avril 2016

Théâtre des Autre Saisons

Gradignan (FR)

 

1er avril 2016

Espace Jéliote

Oloron-Sainte-Marie (FR)

 

29 mars 2016

Théâtre les Sept Collines

Tulle (FR)

 

8 décembre 2015

La Halle aux Grains

Blois (FR)

 

8 novembre 2015

Festival Euro Scene

Leipzig (DE)

 

5-6 décembre 2014

Opéra de Dijon

Dijon (FR)

 

1er décembre 2014

Festival Interférences

Cluj (RO)

 

2-4 octobre 2014

Scène nationale d’Orléans

Orléans (FR)

 

17-25 septembre 2014

Festival Temps d’images, Centquatre

Paris (FR)

 

29 juillet 2014

L’Odyssée, scène coventionnée de Périgueux

Périgueux (FR)

 

16-17 juillet 2014

Teatro Municipal Joaquim Benite

Almada (PT)

 

17 mai 2014

Centre chorégraphique national d’Orléans

Orléans (FR)


Josef Nadj - Ozoon

Ozoon

Chorégraphie

Josef Nadj

 

Interprétation

Josef Nadj, Ivan Fatjo, Eric Fessenmeyer

 

Musique

Akosh Szelevényi

 

Interprétée par

Akosh Szelevényi, Gildas Etevenard

 

Lumières

Christian Scheltens

assisté de Matthieu Landré

 

Costumes

Aleksandra Pešić

 

Son

Jean-Philippe Dupont

 

Décors

Clément Dirat, Julien Fleureau, Olivier Berthel

assistés de Nicolas Sochas

 

Régie générale

Steven Le Corre

 

Régie plateau

Alexandre de Monte

 

Remerciements à Charles Fréger

 

Coproduction

Briqueterie / CDC du Val-de-Marne, Centre de développement chorégraphique du Val-de-Marne et Ville de Fontenay-sous-Bois, Festival international Tchekhov – Moscou, Théâtre Anne de Bretagne – scène conventionnée de Vannes, Centre chorégraphique national d′Orléans

 

Soutiens

Amadeus, Résidence Sainte Cécile (Orléans)

 

Création
Salle Jacques Brel, Biennale de la danse du Val-de-Marne, 21 mars 2013

Ce spectacle a été créé dans le cadre d’une commande de la Biennale de danse du Val-de-Marne à l’occasion de l’ouverture de la Briqueterie/CDC du Val-de-Marne

 

Durée

70 min

Ozoon est une pièce inspirée d’une rencontre avec Charles Fréger, auteur du livre Les Wilder Mann ou la Figure du sauvage.

 

« La pensée des hommes, à quelque époque qu’ils appartiennent, à quelque culte qu’ils sacrifient, et quand bien même ils cherchent à s’en défendre, est pleine de bêtes, depuis la nuit des temps nous sommes visités, envahis, traversés par les animaux ou par leurs fantômes. Ce que Deleuze et Guattari ont formalisé sous l’appellation du « devenir-animal », ce n’est pas une cartographie de transferts exceptionnels, ce ne sont pas des « cas », c’est une exposition généralisée de l’humanité à son fonds originaire, c’est un peuplement de l’esprit par ce qui l’entoure et que peut-être il ne voit plus, ne veut plus voir. »

 

Jean-Christophe Bailly, Le versant animal, ed. Bayard.

Ozoon, par Thomas Hahn

Josef Nadj est un shaman, un fiancé des animaux, à la ville comme à la scène. C’est pourquoi il aime se ressourcer à la campagne, épousant la nature et ses énigmes. Dans sa nouvelle création, il s’inspire de traditions européennes aussi carnavalesques qu’archaïques et animalières, généralement oubliées et pourtant bien vivantes.

 

Trois hommes en scène, représentant ces communautés peu médiatisées, ces drôles de contemporains qui se glissent, une fois par an, sous des peaux d’ours, de cerf, de sanglier ou autres, s’ils ne se dissimulent pas sous des robes de paille, voire d’ossements. Sans parler des masques. Ces traditions ont la peau plus dure qu’on ne le pense, du carnaval alémanique en Suisse à la Sardaigne, du Portugal à l’Autriche, de la Grèce à la Finlande…

 

Flirter avec les limites de la conscience humaine, chercher le souffle animal, voilà qui ressemble fort à Nadj, dernière énigme de la danse. Ne l’a-t-on pas connu grâce à Sept peaux de rhinocéros, Le Cri du caméléon  et autres Canard Pékinois ? Ici, il choisit le titre le plus énigmatique de sa carrière : Ozoon. Pour évoquer la couche d’ozone, un zoo ou quoi en fait? Comme nul autre, Nadj le silencieux confirme que les eaux calmes sont profondes et insondables.

 

Depuis ses débuts, Nadj crée chaque fois à partir de l’univers d’un auteur, de Kafka à Bruno Schulz, Büchner et tant d’autres. Mais depuis peu, il s’inspire d’images, ce qui est en quelque sorte un retour aux sources puisqu’il a commencé sa carrière dans les arts par des études de graphisme. Après « Atem - Le Souffle », inspiré d’une célèbre gravure de Dürer, le voici qui va à la rencontre de Charles Fréger, photographe de renom qui vient de publier « Wilder Mann ou la figure du sauvage », un recueil de photos présentant justement ces hommes qui s’adonnent, printemps après printemps, à des rituels ancestraux.

 

Pour les sortir de leur anonymat collectif, Nadj leur consacre cette création chorégraphique. Mais il a aussi rencontré le photographe qui présente les plus modernes des hommes des cavernes en pleine nature et de belle allure, comme s’ils étaient des models de Chanel.

 

(…)

 

Thomas Hahn

Dire notre animalité - Entretien avec Josef Nadj

« Faire jaillir une essence presque archaïque du geste. »

 

Josef Nadj ouvre la Biennale du Val-de-Marne avec Ozoon, création qui fouille le geste au plus intime pour desceller l’animalité enfouie au cœur de chacun.

 

Dans Wilder Mann, le photographe Charles Fréger témoigne d’un rituel pratiqué en hiver en Europe. Comment ces images vous ont-elles inspiré pour créer Ozoon ?

 

Josef Nadj : Elles ont ouvert un chemin de recherche sur la figure du sauvage, que nous avons ensuite poursuivi en une exploration de notre physicalité même et de la transformation. Comme toujours chez moi, des lectures, notamment Le Versant animal de Jean-Christophe Bailly ou Le Devenir animal de Deleuze, ont nourri la réflexion. Les traditions que dévoilent Charles Fréger nous sont devenues presque inconnues et renvoient à une condition dont l’urbanité nous a éloignés. Comment retrouver dans notre mémoire enfouie les traces de ces expériences qui nous semblent désormais très lointaines car primitives ? Nous avons cherché en nous, intimement, cette origine, fouillé nos actes et développé une sorte de rituel pour redécouvrir notre rapport à la danse et faire jaillir une essence presque archaïque du geste.

 

L’animalité rôde dans vos dernières créations… Dans Les Corbeaux, votre corps enduit de peinture noire devient pinceau et laisse des traces sur le papier.

 

J. N. : Ozoon prolonge la recherche ouverte avec Les Corbeaux tout en traversant de nouveaux questionnements et partages puisque nous sommes plusieurs sur scène. Nous essayons de cueillir la force collective de cinq hommes dans une petite arène. La performance Les Corbeaux relève d’un geste pictural, tandis qu’Ozoon repose sur une dramaturgie musicale et établit une connivence entre les gestes des danseurs et des musiciens.

 

Ozoon se déroule sur une scène circulaire. Qu’apporte cet espace scénique ?

 

J.N. : Cette proximité me permet de travailler non sur le spectaculaire mais sur le détail, sur la profondeur du geste et de l’image. Un tel espace permet au public de ressentir autrement ce qui se joue.

 

Entretien réalisé par Gwénola David - Journal La Terrasse N° 207 1er mars 2013

Dates passées :

 

26-27 juin 2014

Grande Halle de la Villette

Paris (FR)

 

3-5 juin 2014

Scène nationale d’Orléans

Orléans (FR)

 

9-10 avril 2014

Théâtre Anne de Bretagne

Vannes (FR)

 

13-14 avril 2013

La Briqueterie, 17e Biennale de danse du Val-de-Marne

Vitry-sur-Seine (FR)

 

21-22 mars 2013

Théâtre Jacques Brel, 17e Biennale de danse du Val-de-Marne

Fontenay-sous-Bois (FR)


Josef Nadj - ATEM Le souffle

ATEM - Le souffle

Chorégraphie et scénographie

Josef Nadj

 

Interprétation

Anne-Sophie Lancelin, Josef Nadj

 

Musique

Alain Mahé

assisté de Pascal Seixas

 

Interprétée par

Alain Mahé ou Pascal Seixas

 

Costumes

Aleksandra Pešić

 

Accessoires

László Dobó

 

Régie générale

Alexandre de Monte

 

Construction du décor

Clément Dirat, Julien Fleureau

 

Production

Centre chorégraphique national d’Orléans, Jel – Színház

 

Coproduction

Festival d’Avignon, Théâtre de la Ville, Le CENTQUATRE – Paris, Governo do Portugal – secrétariat d’Etat à la culture, Teatro Nacional de São João – Porto

 

Soutiens

DRAC Centre, Région Centre, Ville d’Orléans, Résidence Sainte-Cécile (Orléans), la Société Générale

 

Remerciements

Milena STOICEVIC – Quadriennale de Prague  (République  Tchèque),  Regional  Creative  Atelier – Kanjiza (Serbie), Kiosk – Belgrade (Serbie)

 

Création

Festival d’Avignon, 12 juillet 2012

 

Durée

75 min

 

 

Transformer l’exiguïté d’une boîte de quatre mètres sur trois en un espace infini, abolir le temps autour d’un simple bâton, qui contraint autant qu’il rend possible la relation de deux êtres : voilà l’expérience théâtrale et alchimique à laquelle se livrent Josef Nadj et Anne-Sophie Lancelin. Ensemble, ils habitent ce dispositif et dansent pour une soixantaine de spectateurs. La promiscuité se change en intimité, le public est attentif aux innombrables détails d’une scène éclairée par de simples bougies. Le tableau vacille et évolue sous les assauts du souffle de chacun. Souffle, en allemand, se dit Atem. C’est un mot que Josef Nadj a rencontré dans un poème de Paul Celan, dont les écrits gravitent autour de cette nouvelle création. Le tableau vacille et évolue également sous les assauts d’Albrecht Dürer (1471-1528), dont la gravure « Melencolia » subjugue et poursuit Josef Nadj depuis son adolescence. Il y voit une femme et un petit homme, dotés d’ailes, qui semblent attendre devant une maison, entourés de multiples signes et objets qui rendent infinies les interprétations possibles. Le chorégraphe s’empare de cette gravure et de celles qui composent avec elle une trilogie – « Saint-Jérôme dans sa cellule » et « Le Chevalier, le Diable et la Mort » –, comme d’un gisement de rébus, de suggestions. Afin de déplier tous les possibles contenus dans ces œuvres, Anne-Sophie Lancelin et Josef Nadj évoluent dans un espace sonore composé, par Alain Mahé, à partir du son de la nature et des éléments. Pour un petit théâtre d’ombre et de lumière, d’émotions et de sensations.

 

Renan Benyamina pour l’édition 2012 du Festival d’Avignon

ATEM vu par Myriam Blœdé

… la pierre qui allait au vent près de nous

roule sur la mer et dans le sillage qu’elle laisse,

vivant, le rêve fraie

Paul Celan, « Ensemble »

 

Défiguré – un ange renouvelé cesse d’être –

un visage parvient à lui-même

Paul Celan, « Dazibao »

 

Prague, juin 2011 – Boîte no 15

 

À l’origine de ce duo, l’invitation de Josef Nadj à la 12e Quadriennale de Prague (16-26 juin 2011), un festival international consacré à la scénographie comme « discipline artistique à la croisée des arts visuels et des arts    de la scène », alliant expositions et spectacles. Plus précisément, le projet auquel Josef Nadj était appelé à participer dans ce contexte, événement majeur de la manifestation, avait pour titre : « Intersection : intimité et spectacle », et consistait en une architecture modulaire installée dans l’espace public au centre de Prague, un parcours éphémère composé de trente « boîtes noires ou cubes blancs » dont chaque élément, chaque module, était investi par un artiste – scénographe, plasticien, photographe, vidéaste, metteur en scène, chorégraphe ou créateur de mode.

En réponse à cette invitation, Josef Nadj a fait construire une boîte noire, la boîte no 15 dans le parcours, dont  la surface au sol est de 4 x 4 mètres, avec un espace scénique d’une profondeur de 3 mètres et, séparé de cet espace par une vitre, une vitrine devant laquelle passer où s’arrêter, un passage ou une galerie d’un mètre de large dévolu aux visiteurs. Puis, en compagnie d’Anne-Sophie Lancelin, il a élaboré une courte pièce sur le    thème de l’intimité, « intimité entre deux êtres, un homme et une femme », mais aussi « entre un homme et ses racines, sa terre natale avec ses arbres, son fleuve, ses habitants… ». Intimité, enfin, qui s’établit entre un artiste et son public « au travers de la danse, des dessins, des images scéniques », renforcée en l’occurrence par la proximité dans cet espace restreint.

 

Atem, un art du détail

 

Prolongement de l’expérience praguoise, Atem en conserve le dispositif scénique, avec ses contraintes est ses implications : une « boîte noire » de dimensions réduites, surélevée et ouverte frontalement cette fois, avec quelques dégagements, des passages, des ouvertures, des niches, des interstices, double fonds ou chausse- trapes, pour la plupart imperceptibles à l’œil. La partie « salle » quant à elle, ce couloir où le public de Prague se tenait debout, est augmentée d’une série de sept gradins susceptibles d’accueillir une soixantaine de spectateurs assis et de leur garantir une complète visibilité de la scène. L’ensemble forme un petit théâtre, léger, aisément démontable et transportable, qui peut être installé en intérieur comme en extérieur, et tient sur le plateau d’une salle de spectacle de taille moyenne.

À partir de cette structure spectaculaire-intime, la réflexion de Josef Nadj s’est orientée dans deux directions : l’une porte sur les rapports entre les deux danseurs : « Comment occuper, comment habiter à deux un si petit espace ? » L’autre s’articule sur la relation scène / salle induite par ce dispositif particulier, autrement dit sur la proximité comme condition du regard. D’autant que l’éclairage, exclusivement assuré par des bougies, des quinquets, renvoyant ainsi cette scène plongée dans une lumière diffuse à l’histoire du théâtre, force le spectateur à la plus extrême attention. Ces deux axes de réflexion ont amené Josef Nadj à se concentrer sur les « détails, des objets, des indices, de petits signes ».

 

Dürer, Celan, un retour aux fondamentaux

 

Si cette nouvelle pièce, dans laquelle Nadj poursuit son compagnonnage avec la danseuse Anne-Sophie Lancelin et le créateur sonore Alain Mahé, marque la reprise de certaines tonalités et de quelques problématiques récurrentes dans son univers, c’est tout particulièrement par le travail sur les matières et leur transformation, la référence aux éléments et au cosmos, et surtout la constante remise en jeu de la question du temps, cyclique ou linéaire, dont « l’écoulement inéluctable s’oppose à l’éternité » : « Il faudrait, dit-il, pouvoir arrêter le temps pour que nous, mortels, comprenions quelque chose de l’éternité. »

 

Cependant, au-delà de la « revisitation » ou du redéploiement de motifs présents dans ses créations antérieures, Atem semble constituer pour Nadj une sorte de retour aux fondamentaux, c’est-à-dire aux sources de son inspiration artistique. En effet, lorsqu’il déclare : « la peinture m’a attiré avant même  la  littérature  ou  la musique », Dürer est l’un des premiers, sinon le tout premier artiste qu’il mentionne parmi ceux qu’il a connus enfant et qui l’ont durablement influencé. Or, précisément et pour la première fois, c’est vers l’œuvre gravé d’Albrecht Dürer (1471-1528) qu’il a choisi de se tourner pour ce duo. Mais aussi, au cours du processus de création, il a éprouvé le besoin de relire Paul Celan (1920-1970), un poète qui l’accompagne et « l’éclaire »  depuis l’adolescence. Et, dans certains poèmes de celui-ci, il a trouvé de multiples échos et développements aux gravures de Dürer.

 

Un tableau mouvant

 

Exercice de lucidité, de dévoilement, Atem propose une lecture de l’une des œuvres majeures de Dürer, Melencolia I (1514), gravure sur cuivre d’une grande complexité qui a été et demeure, jusqu’à aujourd’hui, le « sujet d’interprétations infinies » (H. Wölfflin). Parmi celles-ci, on retiendra, parce que d’emblée elles font sens pour Nadj, celles qui y voient une représentation de la pensée créatrice. Celles aussi, qui lui associent trois autres gravures auxquelles le chorégraphe s’est également arrêté : Saint-Jérôme dans sa cellule (1513) et Le Chevalier, la mort et le diable (1514) qui datent de la même période, ainsi que Adam et Ève (1504). Celles enfin qui incitent à douter de la surface des choses, c’est- à-dire de l’image telle qu’elle se donne à voir au premier abord.

 

Rien de didactique bien sûr, dans l’approche que propose Josef Nadj de cette œuvre et dans l’éclairage qu’il en donne : il s’agit pour lui d’en « recueillir » les éléments, d’en isoler les détails, de les déplacer, de les combiner autrement, de les faire entrer en résonnance avec des détails, communs ou non, empruntés aux autres gravures de Dürer, mais aussi aux vers de Celan, pour composer une nouvelle image, mouvante, c’est-à-dire un tableau dans lequel le mouvement conteste la vision, en même tant qu’il en devient un révélateur, un guide pour le regard.

 

Myriam Blœdé

Nadj, dans l'antre deux

Avignon . Dans «Atem», deux corps explorent l’infini d’une boîte de 4 mètres sur 4. Sublime.

 

Difficile de faire plus petit que la boîte de 4 mètres sur 4 qui sert de décor et d’espace scénique à la nouvelle pièce de Josef Nadj : Atem («le Souffle»). Cette configuration très spéciale vient d’une commande de la quadriennale de Prague qui avait demandé à des artistes de se produire dans ce type de boîtes derrière une vitre, pour que les spectateurs aient accès à leur travail.

 

Le chorégraphe, qui avait la boîte numéro 15, a conservé le même dispositif, le plaçant ouvert vers le public dans les théâtres. La belle Anne-Sophie Lancelin l’accompagne toujours dans l’aventure, tandis qu’Alain Mahé a créé un univers sonore très riche mais tout en légèreté pour Avignon. Le temps semble suspendu alors que deux personnages tentent d’occuper cette curieuse maison.

 

Ailes. Ce n’est pas une histoire de couple, ni même un duo. Ce sont deux êtres étranges, des anges peut-être, qui explorent chaque recoin de l’habitation. Très lentement, ces êtres doués de pouvoirs magiques (comme celui de disparaître brusquement avec la malice des prestidigitateurs) se déplacent, escaladent des murs lisses, apparaissent aussi par des trappes.

 

On ne peut plus abracadabrant, d’autant que ce sont des bougies qui éclairent le spectacle. Comment partager un espace réduit à deux : c’est tout l’enjeu de cette pièce intimiste où le moindre détail est mis en relief. Un bâton, par exemple, qui peut séparer ou relier, des brindilles qui marquent le temps comme des métronomes. Quant à ce qui se passe entre les deux : rien n’est plus tendre et sensuel. Dans l’entre-deux, il y a une telle attente de l’autre que lorsque les corps s’enlacent, le contact est saisissant, intense. L’homme à la lourde veste noire et la femme à la robe se livrent à un ballet sensible alors que la porte du grenier s’ouvre mystérieusement, alors que le babil d’un enfant absent nous parvient.

 

On reste tout aussi fasciné que Josef Nadj le fut lui-même lorsqu’il découvrit à 14 ans la Melencolia, une gravure sur cuivre de Dürer qui a en partie inspiré son spectacle. On y voit une femme dotée d’ailes, pensive et assise à côté d’un petit homme, les deux posés devant une maison.

 

Chausse-trapes. Grand lecteur également, Josef Nadj a trouvé résonance de son travail dans l’œuvre de Paul Celan, qu’il cite dans le dossier de présentation : «Défiguré - un ange cesse d’être - un visage parvient à lui-même.» Qu’il s’agisse de littérature, de peinture, de danse, Josef Nadj rend hommage à tous ceux qui fécondent l’imaginaire, qui ouvrent les portes sur l’inconnu et s’amusent comme lui (et comme la délicate et silencieuse Anne-Sophie Lancelin) à fabriquer des chausse-trapes pour mieux nous piéger avec soin, nous emporter dans leur monde en forme de rébus. On se laisse volontiers faire.

 

Marie-Christine Vernay - Libération 15 juillet 2012

Dates passées :

 

16-19 avril 2014

Pavillon Noir

Aix en Provence (FR)

 

20-24 novembre 2013

L’Arsenal, Biennale de danse en Lorraine

Metz (FR)

 

15-17 novembre 2013

Théâtre de l’Archipel, Scène Nationale

Perpignan (FR)

 

3-28 avril 2013

Le Centquatre

Paris (FR)

 

15-19 janvier 2013

Théâtre de l’Union, CDN

Limoges (FR)

 

12-16 décembre 2012

Scène Nationale

Orléans (FR)

 

21-25 novembre 2012

TNSJ

Porto (PT)

 

2-4 novembre 2012

Associazione Teatrale Emilia Romagna

Reggio Emilia (IT)

 

21-27 juillet 2012

Saint Saturnin-lès-Avignon, Festival d’Avignon

Avignon (FR)

 

12-18 juillet 2012

Salle polyvalente de Saze, Festival d’Avignon

Avignon (FR)


Josef Nadj - Cherry-Brandy

Cherry-Brandy

Chorégraphie

Josef Nadj

 

Interpretation

Johan Bichot, Ivan Fatjo, Grégory Feurté, Eric Fessenmeyer, Peter Gemza, Anastasia Hvan, Panagiota Kallimani, Anne-Sophie Lancelin, Lazare, Cécile Loyer, Josef Nadj, Emanuela Nelli, Marlène Rostaing

 

Musique originale

Alain Mahé

 

Enregistrement des pianos et toy piano

Emmanuelle Tat

 

Lumières

Rémi Nicolas

assisté de Lionel Colet

 

Costumes

Françoise Yapo

 

Masques et accessoires    

Jacqueline Bosson

 

Décors, accessoires et objets scéniques

Clément Dirat et Julien Fleureau

 

Matériaux et pièces musicales issus des œuvres de

Franz Schubert, John Cage, György Kurtág, Mussorgski, Bellini Janáček,David Tudor, Merzbow, Giacinto Scelci,György Ligeti, Lol Coxhill et Steve Beresford, Longberg

 

Coproduction

Centre Chorégraphique National d’Orléans – Festival International de Théâtre Tchekhov à Moscou (Russie) – Théâtre de la Ville – Paris (France).

 

Soutiens

Région Centre, Centre Culturel Français de Moscou, Mairie de Moscou, Ministère de la Culture russe, Institut français, Scène Nationale d’Orléans

 

Création

Festival International de Théâtre Anton Tchekhov – Moscou (Russie), Juillet 2010
dans le cadre de l’Année France-Russie 2010

 

Durée

88 min

À l’origine, un vieil acteur évoque son passé. Ici, Josef Nadj s’en va à la recherche du fil rouge qui tresse les souvenirs.

 

Cherry-Brandy… les mots tintent l’un contre l’autre, presque titubent. Comme les fantômes d’une danse bercée dans les vapeurs d’ivresse, à l’heure où le jour de la conscience commence à poindre. C’est par l’entrebâillement obscur de la mémoire, aux lisières indécises de l’illusion et de la réalité, que Josef Nadj se glisse pour explorer les liens qui, au fil du temps, nouent l’être au passé. Pour cette pièce inscrite dans l’année France-Russie 2010, le chorégraphe et fin lecteur a puisé dans Le Chant du cygne (Calchas). La nouvelle de Tchekhov met en scène un vieil acteur abandonné à son ébriété dans la solitude miteuse d’un théâtre déserté, et qui, assailli par le raffut des souvenirs, défeuille son parcours personnel et artistique. Fouillant, avec douze complices, au revers de ce «petit drame», Josef Nadj se confronte au plateau nu, espace vide, primitif, où brillent les ombres tenaces et secrètes chimères amassées sur son chemin de vie, jusqu’à retrouver les origines de son art.

 

 

Gwénola David

Cherry-Brandy vu pas Myriam Blœdé

« Le poète se mourait […]. Le poète se mourait depuis si longtemps qu’il avait cessé de comprendre que c’était la mort. […] »

Varlam Chalamov, « Cherry-Brandy », Récits de la Kolyma

 

 

Pour la première fois depuis Asobu en 2006, Josef Nadj signe à nouveau une pièce de groupe, dont l’arrière-plan est expressément littéraire. À l’origine de cette création, une « étude dramatique en un acte » d’Anton Tchekhov, Le Chant du cygne (Calchas, 1886-97), qui met en scène un vieil acteur dans un théâtre déserté, tard le soir, après la représentation. Un acteur sur le déclin, habité par des lambeaux des rôles qu’il a interprétés, seul sur une scène plongée dans la pénombre… « Le noir sur le plateau, surtout dans ce moment inaugural, juste avant que ne débute le spectacle, m’a toujours semblé fondamental », explique Josef Nadj. Car, plus encore que le contexte ou l’argument de la pièce, c’est le nom du personnage de Tchekhov qui a retenu son attention : Svetlovidov, c’est-à-dire « celui qui voit clair », celui qui, dans les ténèbres, sait à la fois discerner et révéler le moindre éclat de lumière, lui est apparu en effet comme une possible métaphore de la posture de l’artiste ou du poète, tout entier tourné vers son art, assigné à son art, « bon qu’à ça », toujours et partout – jusque dans les situations les plus extrêmes.

 

 

« La vie entrait toute seule en lui […] : il ne l’appelait pas, mais elle n’en pénétrait pas moins son corps, son cerveau, elle entrait comme la poésie, comme l’inspiration. Et pour la première fois, la signification de ce mot lui fut révélée dans toute sa plénitude. La poésie était la force créatrice dont il vivait. […] Il ne vivait pas pour la poésie, il vivait par elle. »

Varlam Chalamov, « Cherry-Brandy », Récits de la Kolyma

 

 

De telles situations, Tchekhov en a fait l’expérience volontaire lorsqu’en 1890, il a séjourné plusieurs mois dans « ce véritable enfer » qu’était le bagne de l’île de Sakhaline, afin de témoigner des conditions de vie des déportés. Et, quelques décennies plus tard, Varlam Chalamov, un autre écrivain dont l’œuvre a également nourri Cherry-Brandy, a décrit un autre enfer sibérien, la Kolyma où lui-même fut détenu entre 1937 et 1953. Cependant, la figure centrale de la nouvelle création de Josef Nadj est un autre poète encore, également de langue russe : il s’agit d’Ossip Mandelstam (1891-1938), l’auteur de Tristia, Le Bruit du temps, d’un merveilleux Entretien sur Dante ou des Cahiers de Voronèje qu’il composa en exil, entre 1935 et 1937…

 

 

« Siècle mien, brute mienne, qui saura Plonger les yeux dans tes prunelles Et ressouder avec son sang Les vertèbres des deux siècles ? » Ossip Mandelstam, « Le siècle » (1923)

 

 

Reconnu dès la publication de ses premiers recueils, Ossip Mandelstam considérait le mot comme inséparable du corps, de la voix et du geste ; il lui prêtait une puissance concrète, agissante. Il était aussi, il était ainsi un homme engagé dans son temps. Quoique non publiés, et n’ayant circulé oralement que dans le cercle très restreint de ses proches, ses distiques sur Staline, véritable charge contre « le montagnard du Kremlin », lui vaudront sa première arrestation en 1934. Assigné à résidence dans l’Oural, puis condamné aux travaux forcés, Mandelstam mourut d’épuisement pendant son transfert au goulag. Chalamov, qui l’admirait, lui a consacré « Cherry-Brandy », l’un de ses Récits de la Kolyma. Et Josef Nadj, voyant en lui l’exemple même du poète absolu, l’évoque a son tour dans son Cherry-Brandy. Une pièce austère et grave, sombre et fiévreuse, où la réflexion sur l’art, sur le rôle et la responsabilité de l’artiste dans son temps, devient la source d’une méditation sur le siècle.

 

Myriam Blœdé

 

 

Varlam Chalamov, « Cherry-Brandy », in Récits de la Kolyma, Verdier, 2003, p. 101-108. Anton Tchekhov, L’Île de Sakhaline (1895), Gallimard, « folio classique », 2001. Ossip Mandelstam, « Le siècle », in Tristia et autres poèmes, Gallimard, 2005, p. 111.

 

Genèse du projet

C’est à la demande de Valéri Chadrine, directeur du Festival de Théâtre Tchekhov et directeur artistique pour la Russie des « Années croisées France-Russie », que ce projet est né. 2010 marque, en effet, le 150e anniversaire de la naissance d’Anton Tchekhov et, dans ce contexte, Josef Nadj s'est vu commander une création qui lui soit dédiée.

 

Après deux sessions de « laboratoire de recherche », en juin et novembre 2009, cette pièce a nécessité trois mois de répétitions qui ont eu lieu du 22 mars à fin mai 2010 au C.C.N. d'Orléans, puis, les deux premières semaines de juin, à la salle Jean-Louis Barrault de la Scène Nationale d'Orléans.

Les premières représentations ont eu lieu les 5, 6 et 7 juillet 2010 à Moscou, puis les 11, 12 et 13 juillet 2010 à Saint-Pétersbourg, dans le cadre de l'« Année France-Russie 2010 ».

 

Pourquoi la Russie?

 

Josef Nadj entretient avec la Russie des rapports privilégiés depuis de nombreuses années. Plusieurs de ses pièces y ont été présentées (Les Veilleurs, Woyzeck, Le Temps du repli, Journal d’un inconnu, Entracte) dans diverses villes (Moscou, Saint-Pétersbourg, Volgograd, Saratov).

Les Veilleurs a reçu le Masque d’Or du meilleur spectacle étranger présenté en Russie en 2000, et Woyzeck a obtenu le même prix pour l’année 2002.

En 2003, Josef Nadj a participé à la création de Penthésilée, mise en scène par Alain Milianti. Il est resté plusieurs semaines à Saratov pour travailler avec les étudiants du conservatoire de théâtre, dirigé à l’époque par Anton Kouznetsov. Á cette occasion, il a réalisé une série de photographies, intitulée L’Opus de Saratov, qui a été exposée à plusieurs reprises, notamment en 2006, au Festival d’Avignon dont Josef Nadj était l’artiste associé.

Dates passées :

 

9 octobre 2011

Festival de Budapest

Budapest (HUN)

 

4 octobre 2011

Le Grand T

Nantes (FR)

 

6-9 janvier 2011

Onassis Cultural Centre

Athènes (GR)

 

10 décembre 2010

Stadsschouwburg

Bruges (BE)

 

26-31 octobre 2012

Théâtre de la Ville

Paris (FR)

 

13-15 octobre 2012

Scène Nationale d’Orléans

Orléans (FR)

 

11-13 juillet 2010

Festival international de Théâtre A. Tchekhov, Music Hall

St Petersbourg (RU)

 

5-7 juillet 2010

Festival international de Théâtre A. Tchekhov, Atelier Fomenko

Moscou (RU)