Conception & interprétation

Josef Nadj, Joëlle Léandre

 

Lumières

Sylvain Blocquaux

 

Costumes

Aleksandra Pešić

 

Masques

Jacqueline Bosson

 

Décor

Julien Fleureau

 

Texte

Attila József

 

Coproduction

Centre chorégraphique national d’Orléans, Atelier 3+1

 

Création

Festival OpenLook – Saint-Petersbourg (Russie), 4 juillet 2017

 

Durée

45 min environ

Penzum : à savoir la somme de travail effectué en une journée, et dont on doit rendre compte. Ce terme apparaît dans un poème non traduit d’Attila József (1905-1937), poète hongrois majeur qui a influencé des générations d’auteurs et d’artistes. Parmi eux, Joëlle Léandre et Josef Nadj. Liés par une fidélité artistique mutuelle, ils ont conçu ce duo pour rendre hommage au poète, neuf ans après leur collaboration sur Sho-bo-gen-zo.

 

Associant chorégraphie, musique et dessin, Penzum procède d’une improvisation. Une œuvre « ouverte », précisent-ils, dont la forme, chaque fois nouvelle, s’écrit sur place au fil d’une écoute réciproque absolue. Penzum peut ainsi être entendu, par extension, comme la performance même : elle témoigne du travail qui permet de transmettre au public l’intensité de l’œuvre d’Attila József. Sa poésie ne cesse d’infuser dans le cœur et l’esprit des deux interprètes. Elle les guide, elle les inspire. Elle leur donne une énergie vitale, elle annonce aussi le destin tragique du poète qui attendra la mort sur des rails. N’entend-on pas s’élever le roulement d’un train ? Ne voit-on pas apparaître une voie ferrée ?

 

A l’image du masque qu’elle arbore sur le visage, Joëlle Léandre produit une matière sonore aux accents métalliques. A ses côtés, Josef Nadj porte un masque africain aux traits féminins et appréhende l’espace en déployant une robe noire. Mais la métamorphose ne se satisfait pas de l’évidence : elle se cache plutôt dans les dessins tracés au charbon comme autant de symboles en puissance. Elle s’incarne aussi dans l’éruption sonore qui s’empare de Josef Nadj, clamant avec force, dans sa langue natale, les mots du poète. Elle se révèle sans doute, enfin, dans une ultime séquence apaisée, si ce n’est rêvée.

 

Josef Nadj et Joëlle Léandre, entretien avec Marylène Malbert

Penzum de Attila József, traduction brute par Josef Nadj

« Ça c’est comme le travail, Penzum.

Ça ne s’arrêtera jamais. Un travail infini, un mouvement infini. Jamais on ne le terminera.

Il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de vérité. Même ça, ce n’est pas ça.

Travailler, tout le temps travailler. Moi je ne travaille pas, le chien ne travaille pas non plus. Les ouvriers travaillent. Qu’ils crèvent. C’est comme ça pour eux.

C’est tellement mauvais que Dieu n’existe pas.

J’ai fait quelque chose de mauvais, peut-être ai-je mangé un papillon.

Cerf

L’abeille ramasse le miel. Est-ce que tout est en proportion par rapport à ce qui m’entoure ?

Lève-toi et marche.

Mon colon est aussi gros qu’un cheval.

Bientôt je dois partir. Il faut que je me montre que je suis quelqu’un, mais moi je n’existe pas. Seuls les autres me voient.

Pour l’instant, j’ai encore mon cou. Le train ne l’a pas encore coupé.

On ne m’a pas coupé non plus la langue.

Mais à qui pourrais-je parler… ?

Ça c’est un point fixe. »

 

Attila József, traduction brute de Josef Nadj, extrait du poème « Les idées libres » (non édité en français)

Penzum vu par Jean-Noël Cuénod - Médiapart

 

« Une performance particulièrement impressionnante, celle du grand chorégraphe Josef Nadj et de sa complice sur scène, la contrebassiste Joëlle Léandre (hier et ce soir à 18 h. au Palace, Périgueux). Elle a pour titre Penzum. Le visage dissimulé par une sorte de masque africain, revêtu d’une robe noire de tulle faisant apparaître son corps blanc et musclé, Nadj prend possession d’un grand écran de papier sur lequel il dessinera au moyen d’un morceau de charbon. A ses côtés, la contrebassiste arbore un masque en aluminium d’aspect féminin. Le reste de sa tenue est neutre. Mais c’est elle, avec son instrument utilisé en mélodie ou en percussion, qui va dicter sa loi au danseur. Présence d’autant plus oppressante qu’elle est discrète.

[...]

Comme dans toutes les oeuvres d’art authentiques, on peut trouver dans Penzum de Josef Nadj bien d’autres significations que celles retenues par l’auteur. Cette performance musicale-chorégraphique-plastique évoque aussi l’origine des humains, la Grande Origine, l’époque mythique d’avant la différenciation des sexes, d’avant la séparation d’avec l’animal, lorsque l’homme-femme ne faisait qu’une âme-chair avec l’univers.

Afin de laisser tous ses effets à la surprise, nous ne dévoilerons pas la fin car ce spectacle tournera encore dans d’autres contrées. Elle est émouvante et sublime, cette fin. Disons que l’humain y apparaît dans toute sa splendeur animale. »

 

Cuenod - MEDIAPART - 26 juillet 2017

Penzum vu par Thomas Hahn - Danser Canal Historique

« Qui saurait dire si, dans un spectacle de Josef Nadj, un personnage appartient pleinement à lui-même ? Qui saurait même définir si la présence de Nadj dans Penzum vise la création d’un personnage ? Et si personnage il y a, c’est sans doute dans un ailleurs mental qu’il faut l’imaginer. Penzum, première création de Nadj depuis son départ du CCN Orléans (aujourd’hui dirigé par Maud Le Pladec), évoque le passage, inlassablement. Qui est ici homme, qui est femme ? Qui voudrait ranger tel geste ou tel mouvement de Penzum dans la case geste chorégraphique, geste musical ou geste pictural ? Ici l’un transcende l’autre, de bout en bout.

[...]

Joëlle Léandre, qui a croisé au cours de sa carrière Cage, Cunningham, Monnier et autres Nadj (ce fut en 2008 pour Sho-bo-gen-zo) créé une musique, et même des instruments, qui jouent des effets de matière et d’arts plastiques, balayant au passage la moindre certitude de l’oeil et de l’ouie. Si le duo porte des masques - où elle se drape d’une seconde peau argentée et lui de sculpture, en dur et d’inspiration africaine - c’est pour mieux partir vers les horizons enfouis d’une conscience chamane.

[...]

Le passage est réussi, sa première oeuvre post-CCN est née, dans un retour aux sources littéraires et linguistiques. Penzum est une petite forme, un nouveau départ. »

 

Thomas Hahn - DANSER CANAL HISTORIQUE - juillet 2017

Penzum vu par Annie Yanbékian - Culturebox

 

D’Jazz Nevers a proposé une soirée en deux parties pleine d’audaces, marquée du sceau de la création contemporaine dans ce qu’elle offre de plus libre, moderne, voire désarçonnant, mardi à la Maison de la Culture de Nevers, à quelques pas des bords de Loire. Commençons par la première partie, "Penzum" : une musicienne et un chorégraphe, Joëlle Léandre et Josef Nadj, inspirés par un poète rebelle.

Pour "Penzum", créé à Saint-Pétersbourg en juillet 2017, le danseur et chorégraphe serbe Josef Nadj et la célèbre contrebassiste de jazz Joëlle Léandre se sont inspirés de textes du poète hongrois Attila József (1905-1937), dont le poème "De l’air !" fut repris en 1956 lors de l’insurrection contre la tutelle soviétique. Le jeune poète mourut tragiquement à 32 ans, écrasé par un train.

 

D’entrée de jeu, on est intrigué. Au centre de la scène, une petite table de percussions et un grand écran blanc. Près de la table, une silhouette vêtue de noir, visage caché par un grand masque en aluminium. On n’en est pas encore tout à fait sûr, mais c’est Joëlle Léandre.

Inversion de genres

À trois mètres, surgissant de derrière l’écran immaculé, un bras nu et au bout, un éventail qui s'agite. C’est Josef Nadj. Bientôt, il se poste devant l’écran et entame une étrange chorégraphie, comme un cérémonial venu d'Asie. Si la musicienne arbore une tenue et un masque masculins, le danseur, lui, s'est habillé d'une longue robe noire au large décolleté. Et il porte un masque africain aux traits féminins. Les genres sont inversés.

 

Alors que Joëlle Léandre, désormais à la contrebasse, extirpe des sons dissonants à l’aide de son archet, Josef Nadj, un temps accroupi, se relève, muni d’une longue lance dont le bout a été enduit de charbon noir. Dos tourné au public, le geste sûr, il trace un premier dessin, abstrait, sur l’écran. Puis, refaisant face à la salle, il enchaîne des gestes saccadés avant de reprendre son ouvrage graphique.

 

Accroupi près de l'écran, il dessine cette fois un tabouret noir. Avec l’ajout de motifs simples, le siège se mue en cerf aux bois ressemblant à des branches. Tournant le dos à l’écran, de ses mains nues enduites de charbon, à l’aide de gestes amples, il enrichit l'ouvrage qui prend de l'ampleur derrière lui. Au bout d’un moment, on croit deviner un arbre…

 

Entre-temps, un chant aigu a surgi, entêtant, sans paroles, prenant l'ascendant sur la contrebasse. Funeste présage ? De sa voix lyrique, Joëlle Léandre accompagne son partenaire qui enchaîne au sol des figures bras et jambes synchronisés. La contrebasse ne joue plus qu’une note. Le danseur entame un monologue rageur qui, à nos oreilles francophones, résonne comme une suite d’onomatopées. En fait, il récite des mots d'Attila József, alors que la musicienne, mailloches aux mains, tape sur la tablette et la contrebasse. Bientôt, l'homme à la robe noire disparaît derrière l’écran. Il semble se réincarner dans le cerf qu’il avait dessiné : des bois imposants, puis une tête d’animal, surgissent au-dessus de l’écran, surplombant la scène. Contemplant l'horizon, l'homme devenu cerf dessine un cercle noir sur l’écran avant de rejoindre sa partenaire...

Un cri mêlant musique, danse et arts graphiques

"Penzum", une œuvre, un cri, englobant musique, arts graphiques et une danse qui rappelle le butô japonais, exige une ouverture d’esprit et un abandon total à l’idée d’être surpris, voire dérouté, si l'on ne possède pas les grilles de lecture et de décryptage des symboles d'une œuvre imprégnée d'abstraction.

 

À la fin, les applaudissements sont d’abord timides, puis ils gagnent en vigueur. Le public a été certainement décontenancé mais il n’en salue pas moins la performance, la volonté de sortir du confort ronronnant. Après le spectacle, les artistes reconnaîtront tout de même que pour ce genre de performance, pour une meilleure interaction avec le public, ils se seraient sentis plus à l’aise dans une salle de dimension plus petite, plus intime.

 

Annie Yanbékian - Culturebox - 15novembre 2017

Disponible en tournée.

 

 

Dates passées :

 

13-15 mars 2019

Pavillon Noir

Aix-en-Provence (FR)

 

20-21 juillet 2018

Kalamata Dance Festival

Kalamata (GR)

 

4-5 juin 2018

Festival La Voix est libre – Lavoir Moderne Parisien

Paris (FR)

 

26 janvier 2018

Mac Orlan – Désordre Festival

Brest (FR)

 

2 décembre 2017

Desiré Central Station Festival

Subotica (SRB)

 

14 novembre 2017

Festival D’jazz Nevers

Nevers (FR)

 

25-26 juillet 2017

Festival Mimos

Périgueux (FR)

 

9-10 juillet 2017

Festival KoresponDance

Zdar Nad Sazavou (CZE)

 

4-5 juillet 2017

Festival Open Look

Saint Petersbourg (RU)